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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/325

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n’en sortit. Du moins ne s’était-il pas arrêté. Et, avec cette prodigieuse vitesse de la pensée, qui, dans le temps que paraît et disparaît un éclair, saisit d’une prise simultanée toutes les phases d’un raisonnement, se disait :

« Elle a compris que je ne voulais pas d’elle… Je l’ai intimidée… Elle m’abandonne… Elle retourne à son banc… Heureusement !… Si pourtant elle me parlait encore ?… Pourquoi ne me dit-elle plus rien ?… Si elle avait insisté, j’aurais cédé, peut-être… Si je retournais sur mes pas ? Si je repassais devant elle ? Mais si je ne dis rien, osera-t-elle revenir à la charge ?… Et de quoi aurai-je l’air ?… Sa voix n’était pas vulgaire… Je devrais retourner… Je ne retournerai pas ! »

Une seconde ne s’était pas écoulée. Il sentit, bien qu’il regardât obstinément la Seine, que la femme marchait maintenant auprès de lui ; et il l’entendit qui murmurait :

— Monsieur !… Monsieur !… Emmenez-moi !… Alors, une terreur s’empara de lui. Jamais il ne s’était, comme en cet instant, senti au bord de l’abîme, dans la nuit de l’inconnu. Il voulut fuir. Une main se glissa doucement contre son flanc, se posa sur son bras et, frémissant d’extase et d’une indicible volupté, il comprit qu’il était prisonnier. Il perçut encore qu’il était épouvanté et heureux, désespéré et vainqueur, et il ralentit un peu le pas, rappelant à lui son souffle et son courage, redoutant, s’il parlait, d’entendre les mots chevroter dans sa gorge. Mais sa compagne ne lui demandait pas de discours. Elle l’enveloppait d’un lacis de paroles pressées, en se serrant contre le vieil homme dont elle faisait sa proie.

— Dites, monsieur, vous voulez bien que je vous accompagne ?… Il ne faut pas me juger mal !… Bien sûr, quand une femme raccroche dans la rue, on peut croire que ce n’est pas grand chose !… Mais, moi, ce n’est pas pareil, je vous jure !… Si je le fais, il faut bien que j’y sois forcée… Je ne me serais pas adressée