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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/348

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midi, des vertiges d’estomac qui l’obligeaient à se coucher ; et il demeura bouleversé de désespoir, prêt à sangloter et à crier sa peine, quand, prévenante et pitoyable, Mathilde vint lui porter une tasse de tilleul, et debout au chevet de son lit, attendit qu’il eût fini de l’absorber.

Le lendemain matin, il se prétendit un peu remis, mais pas bien solide encore.

— Pour sûr que vous avez besoin de repos déclara la jeune femme. Heureusement qu’on va partir !

Heureusement !… Elle avait dit : heureusement !… L’eût-elle dit, si la concierge n’avait pas menti ?… Quelle sottise de croire qu’elle eût consenti à ce voyage !… Il lui eût été si facile d’en détourner la menace !… Elle ne l’avait pas fait : donc rien n’était avéré !… Au surplus, comment admettre de sa part un semblable égarement ?… Ne suffisait-il pas de la regarder pour se sentir baigné de confiance et de sécurité ?…

Charibot se nourrit de ces pensées pendant toute une demi-journée. Le combat se livrait maintenant à découvert : c’était avec toute sa raison que, semblable aux dieux d’Homère, il se jetait dans la mêlée et prêtait au juste parti son appui et son secours. Mais il ne parvenait pas à décider de la victoire.

À deux heures, lorsqu’il repartit pour sa besogne, il ne descendit que la moitié d’un étage. Là, entre le cinquième et le quatrième, s’ouvrait un petit débarras, qui avait rempli l’office de cabinets d’aisance avant qu’on n’en eût installé dans tous les logements, et qui, désormais, servait de poste d’eau et de remise à balais. M. Charibot y entra, sombre et frémissant, et il attendit. Il n’y était pas depuis dix minutes, qu’un pas fit grincer les marches, venant des étages supérieurs. Le cœur en déroute, la respiration coupée, le caissier regarda par l’entre-bâillement : il vit un grand garçon blond et faraud qui s’arrêtait devant son appartement. Il l’entendit tousser fortement.