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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/35

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seils pour la culture de l’esprit. Il parlait sans tarir d’une voix chaude un peu aiguë, d’un feu ravissant. Comme je passais pour mauvaise tête, il voulait bien me prendre à part et, dans le vaste cloître Restauration, planté de colonnes où l’ogive et l’ionique alternaient de bonne amitié, j’étais tour à tour confessé comme un pénitent, harangué comme un corps d’armée. Le discours commençait en causerie, se gonflait peu à peu, parcourant tous les cieux d’où il redescendait en flocons drus et doux. Le plus vif plaisir qui me soit venu de ce grand causeur-orateur tient à l’accent de délectation solennelle dont il articulait les syllabes chéries du nom des poètes élus : le divin Racine, hors pair, mais M. de Lamartine et M. de Chateaubriand avaient leur place, sans oublier M. Victor Hugo. En raison des réserves que ce dernier nom comportait, nous nous appliquions naturellement à le mettre au-dessus de tout : il servait à personnifier la liberté des bancs contre l’autorité de la chaire et, plus M. l’abbé Barraillier faisait abonder l’idée juste, moins j’étais d’avis d’y céder. Une série de remarques sensées et délicates qu’il nous fit, un beau jour, sur l’enjambement légitime dans les Plaideurs, et dans l’Aveugle, me conduisit à lui vanter le fameux :

… C’est bien à l’escalier
Dérobé…


de la première scène de Hernani. Rejet trois et quatre fois admirable et significatif, avait dit mon prophète Théophile Gautier, que je récitais comme un perroquet : le tournoiement mystérieux de l’escalier dissimulé dans la tourelle en spirale de quelque vieux palais gothique espagnol se pouvait-il mieux exprimer que par ce rejet mirifique ? Le vieux Maître me rit au nez. Il y mettait bien de l’esprit, et, m’étant senti patauger, je ne respirai que vengeance, jusqu’au jour