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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/353

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— Je ne le sais pas moi-même ! répondit-elle précipitamment, en fermant les yeux. Non, je ne le sais pas, je vous le jure par tout ce que j’ai de plus sacré !… Quand j’y pense, j’en suis comme folle !… Qu’est-ce que vous voulez ?… On n’est pas son maître !… Je suis jeune… Vous ne me touchiez pas. Oh ! ce n’est pas pour vous le reprocher, bien au contraire !… Seulement, il y a un moment… Vous comprenez ?… On obéit à quelque chose qui vous pousse… on ne sait pas quoi… C’est comme la soif ou la faim. Ça n’a pas plus d’importance… Ah ! si vous aviez voulu que je sois votre maîtresse, ça ne serait pas arrivé !… Mais de vivre ainsi près de vous… près d’un homme que j’aimais… je puis bien vous le dire, aujourd’hui !… il y a eu un moment où j’ai été comme hors de moi… Je ne pouvais plus. Alors, le premier venu… Je n’avais même pas l’impression de vous tromper… je ne vous trompais pas… puisque je ne vous étais rien… que vous ne me preniez pas !… Voilà toute la vérité !… Et maintenant, laissez-moi partir !

— Je ne veux pas ! s’écria M. Charibot d’une voix rauque. Je ne veux pas… Je ne peux pas… Je ne peux pas vivre sans vous !

Elle secoua la tête.

— Il vaut mieux que je parte. En ce moment, vous croyez me comprendre ; vous vous dites que je ne suis pas bien fautive… Mais plus tard… Tous les hommes sont pareils… Vous ne pourrez pas me pardonner… Vous ne pourrez pas oublier !

Il eut un nouveau cri :

— Restez !… Je pardonne tout… J’oublie tout… J’ai été coupable… je le sens… Restez !… Je vous dis que j’ai pardonné !

— Je ne peux pas, répliqua-t-elle nettement. Vous me mépriseriez. J’aime mieux la misère. Votre mépris, j’en mourrais !

— Mathilde… Mathilde !… balbutia le pauvre homme, éperdument. Que puis-je vous dire pour vous donner confiance ?… Si j’osais… Si j’osais !… Ma-