Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/371

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départ à l’aube tiroirs et comptoirs doivent être déjà vidés par les bons compagnons, et la camelote en sûreté et franchise. Ah ! il y a longtemps, scélérate, que ton sang eût dû couler. Et je n’ai encore versé que celui de tes prémices. As-tu songé à tout ce que j’ai souffert pour toi ? et que tu me vouais fatalement aux gendarmes royaux et aux pourvoyeurs du gibet, avec ce signalement du poignet tronqué ? Eh bien ! tu vas connaître le Manchot, comme on m’appelle. Déshabille-toi.

— Oh pitié ! grâce !

Le brigand sortit de sa poche un paquet de cordelettes et un couteau.

— Te déshabilleras-tu, ou je te saigne ?

Hypnotisée, la malheureuse se dépouille, et gémit plus faiblement, tandis que tombent draps et toiles,

— Pitié ! Pardon ! Épargnez-moi. Je me tairai. Je jure que si vous m’épargnez, je ne vous vendrai point. Et malgré mon horreur, je resterai votre servante fidèle. J’aurai la bouche scellée. (Elle écrasait ses lèvres de son poing tremblant, pour mieux symboliser la promesse du silence.)

Mais déjà la folie l’égare. Elle crie :

— Lui ! Lui ! C’était donc lui !

Et ses bras nus semblent repousser un fantôme surgi.

— Tu vois bien que je te fais horreur. Allons vite ! Épargnée ? ah ! ah ! ah ! mais tu me livrerais ce soir. Pas de pitié. Ceux qui m’ont emporté, le bras sanglant, il y a cinq ans, connaîtront le Manchot. Enfin, tu me réhabilites devant les frères et amis.

Maintenant Denise est nue. D’un poing rude, il a fait sauter la chemise de l’épaule. Il lie et tord les bras longs et délicats. Les nœuds bleuissent et tuméfient les fines chevilles, les jarrets où la chair safranée se plisse. Une dernière corde l’immobilise, et creuse un double sillon dans le mol embonpoint des seins. Le fourbesque noue et serre sans miséricorde, contre le tronc verdi d’un hêtre, la dryade gémissante. Puis