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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/41

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la disparate du fond n’était rien à la monotonie des manières, les influences se fondant au point de faire évanouir tous les tien et les mien frivoles dont chacun se montrait moins faraud que jaloux.

Il n’y a plus aucun orgueil à me déclarer l’auteur d’un de ces petits ramas monstrueux, ouvrage très heureusement inédit, s’il n’est pas tout à fait détruit. La lune et le soleil ne se battaient point là-dedans, mais toutes les formules et toutes les manies, les réminiscences sans choix et les tics sans mesure, tels qu’ils sévissaient près de moi. Deux ou trois milliers d’alexandrins, si je ne me trompe. Thème fourni par M. Edmond Schuré dans son volume des Grands initiés : les amours improbables de Pythagore et de la prêtresse Theoclea. Ma première partie avait nom L’Âme sombre et la deuxième L’Âme claire. J’en étais à la troisième, prénommée L’Âme en feu, dont je fus dégoûté par un poète parnassien que je rencontrai au café :

— Votre division est vicieuse, dit-il. On eût compris qu’une âme rouge donnât naissance à une âme bleue, puis à une âme verte et violette, ces qualifications se suivant, toutes empruntées au monde de la couleur ; mais que peut être le rapport logique de l’ombre à la clarté, de la clarté au feu ?

Ce raisonnement acheva de me fixer sur le Parnasse de 1868 et sur mon poème de 1891. J’avais barbe au menton et mes vingt-cinq ans approchaient. Je fis un feu de joie de Theoclea et de quelque dix ou quinze mille autres vers de toute longueur et cadence, dont je ne regrette pas un.

Mais j’aurais regretté de froncer le souverain sourcil de Jean Moréas. Il y avait deux ou trois ans que je voyais régulièrement chaque soir l’Athénien, honneur des Gaules et me gardais de lui montrer ces copeaux de mauvais lyrisme. J’avais fait exception en faveur du petit poème Pour Psyché qui avait été imprimé dans l’année. Moréas avait jugé que « ce n’était pas mal », la juste indifférence du ton complé-