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LA DENT D’HERCULE PETITGRIS

début, pour venger ses deux fils disparus et sa femme morte de chagrin, lui avait donné un sens parfois excessif de la discipline, de l’autorité et du devoir. Dans toutes les affaires auxquelles les événements le mêlaient, il prenait toujours à son compte le plus de responsabilité possible, en vertu de quoi il s’arrogeait le plus possible de droits. Il aimait son pays avec une sorte de frénésie contenue, qui lui montrait comme justes et permis des actes souvent arbitraires. Ces raisons lui valaient l’estime de ses collègues, mais une certaine méfiance, que suscitait l’exagération de ses qualités. On craignait toujours qu’il n’entraînât le cabinet dans d’inutiles complications.

Il regarda sa montre. Cinq heures moins vingt. Il avait encore le temps de jeter un coup d’œil sur le dossier de la redoutable aventure qui lui causait une telle anxiété. Mais, à ce moment, la sonnerie téléphonique retentit. Il saisit le récepteur. On désirait lui parler directement de la Présidence du Conseil.

Il attendit. Ce fut assez long. Enfin, la communication s’établit, et il répliqua :

— Oui, c’est moi, mon cher Président.

Il écouta, parut contrarié, et prononça d’un ton un peu amer :

— Mon Dieu, monsieur le Président, je recevrai l’agent que vous venez de m’envoyer. Mais ne pensez-vous pas qu’à moi seul j’aurais obtenu les certitudes que nous cherchons ?… Enfin, puisque vous insistez, mon cher Président, et que cet Hercule Petitgris est, selon votre expression, un spécialiste en matière d’enquête, il assistera à la confrontation que j’ai préparée… Allo ?… Vous avez raison, mon cher Président, tout cela est extrêmement grave, surtout à cause de certaines rumeurs qui commencent à circuler… Si je n’arrive pas à une solution immédiate, et que la vérité soit conforme à nos craintes, c’est un scandale effroyable et un désastre pour le pays… Allo… Oui, oui, vous pouvez être tranquille, mon