qui chaque jour, venait y prier et lui dit cette phrase : « J’attends demain l’envoi de votre mari. Avertissez-le, sinon… » Le ton était menaçant, l’attitude de l’homme hargneuse et méchante. La dame se troubla et remonta vivement dans son automobile. Dois-je préciser que l’une de ces personnes était vous, Maxime Lériot, et l’autre, la comtesse de Bois-Vernay, et que tout à l’heure elles affectaient de ne point se connaître ?
Rouxval, brusquement, leva les mains :
— Je vous en supplie, monsieur, dit-il au comte qui allait intervenir, n’essayez pas de nier l’évidence. Ce que j’affirme n’est pas le résultat de déductions ou d’hypothèses, ni l’interprétation de racontars, mais le strict énoncé de faits que j’ai connus ou contrôlés moi-même. Si vous avez perdu votre fils à la guerre, et si Mme de Bois-Vernay va prier chaque jour près de la dalle sacrée, moi j’ai perdu les deux miens, et il n’est pas de semaine où je ne m’arrête également là-bas pour m’entretenir avec eux. Or, la scène eut lieu près de moi. C’est moi qui entendis la phrase prononcée. Et ce fut pour mon édification personnelle, sans rien connaître encore des incidents que je viens d’exposer, que je m’occupai de savoir qui avait ainsi parlé, et quelle était la victime de ce qui me paraissait un chantage.
Le comte se tut. Sa femme n’avait pas bougé. Dans son coin, le policier Hercule Petitgris hochait la tête et semblait approuver la façon dont l’interrogatoire était mené. Jean Rouxval, qui l’observait du coin de l’œil, en ressentait de l’assurance. La dent ne pointait pas au coin de la bouche. Tout allait donc pour le mieux, et il poursuivit, en resserrant de plus en plus l’étreinte de son réquisitoire :
— À partir du moment où les circonstances me donnèrent la conduite de cette affaire, elle changea de face, pour la raison qu’elle s’était révélée à moi dans un cadre plutôt que dans un autre. Que je m’en rendisse compte ou non, ce souvenir domina toutes