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LA DENT D’HERCULE PETITGRIS

sieur Lériot ? » Et tout de suite, en voyant la façon dont il regardait sa femme, j’ai compris la chose « Toi, mon garçon, t’es un roublard. Pour sauver ta dame, tu as joué la farce de lui faire croire que ça y était. Seulement t’es aussi un froussard, et, si mon supérieur se fâche et qu’il menace, tu flancheras. » Voilà tout le truc, mossieu le Minisse. Colère de votre part. Menaces. Le mossieu Bois-Vernay a flanché.

— D’accord, dit Rouxval, mais vous ne pouviez pas savoir qu’il reviendrait ? et qu’une chose, comme vous disiez, allait se produire ?

— Comment ! eh bien, et le pardessus ?

— Le pardessus ?

— Dame, le client ne serait pas revenu sans ça ! Il fallait lui donner un prétexte pour quitter sa dame, et pour se confesser avant que la justice ait mis son nez dans l’affaire.

— Alors ?

— Alors, quand il est parti, je lui ai enfilé mon pardessus à la place du sien. Il était comme fou, et il n’y a vu que du feu. Seulement, dehors, dans son auto, en avisant ma défroque, vous comprenez s’il s’est jeté sur l’occasion pour rappliquer ici ! Hein ! c’est-i manigancé, c’t’histoire-là ? Certes j’ai fait mieux dans ma vie, j’ai été quelquefois plus fort… Mais jamais plus malin peut-être. Gagner la victoire sans agir… Pas sortir la main de sa poche et flanquer un swing qui vous abat l’adversaire ! C’est-i de l’ouvrage bien faite ?

Rouxval gardait le silence. L’adresse et l’aisance avec lesquelles Hercule Petitgris avait manœuvré le déconcertaient. Tout seul dans un coin, n’intervenant pas une seule fois dans les débats, ne posant aucune question, et ne connaissant de l’aventure que ce que lui-même, Rouxval, en racontait, Petitgris avait, en fait, conduit les débats, dirigé les questions, jeté l’aventure en pleine lumière, et imposé par un geste tout petit, mais d’une habileté formidable, la solu-