Ah ! si le poète des Nuits avait eu connaissance de cette lettre, quelle colère ou quel chagrin il eût éprouvé ! Rachel ne savait pas et ne sut jamais — elle mourut trop tôt pour cela — qu’au début de leurs relations, après avoir abandonné dans les circonstances que j’ai rapportées plus haut, son drame de la Servante du Roi, Musset avait écrit pour elle les strophes suivantes :
Si ta bouche ne doit rien dire
De ces vers désormais sans prix ;
Si je n’ai, pour être compris.
Ni tes larmes, ni ton sourire ;
Si dans ta voix, si dans tes traits,
Ne vit plus le feu qui m’anime :
Si le noble cœur de Moninie
Ne doit plus savoir mes secrets :
Si la triste lettre est signée ;
Si les gardiens d’un vieux tombeau,
Laissent leur prêtresse indignée
Sortir, emportant son flambeau ;
Cette langue de ma pensée.
Que tu connais, que tu soutiens.
Ne sera jamais prononcée
Par d’autres accents que les tiens.
Périsse plutôt ma mémoire
Et mon beau rêve ambitieux ! (1)
Mon génie était dans ta gloire ;
Mon courage était dans tes yeux.
On sait que le poète a tenu parole. INIais je n’en suis pas encore consolé. Chaque fois que je pense à la Servante du Roi, à Alcesteci à Faiistine, j’en veux à Rachel et je médis : Quel malheur que ces deux êtres si bien doués n’aient pas pu s’entendre ! Ils auraient fait de si belles choses !
LÉON SÉCHÉ
I. Musset avait d’abord écrit :
C’était l’amour de ton génie
Qui me rendait ambitieujr
Variante relevée sur l’autographe appartenant à M">’Martellet, l’ancienne gouvernante du poète.