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LES ANNALES ROMANTIQUES

tifier à ses yeux, une des filles de la marquise de la Pierre l’ayant dépeint comme un viveur et un coureur de dot. Et ce fut le premier obstacle. Mais il en eut facilement raison, car Mlle  Birch s’était déjà promis intérieurement de lui donner sa main coûte que coûte. Les vrais obstacles vinrent de leur famille à tous deux. Ce fut d’abord le père de Lamartine qui se refusa à toute démarche, à cause de la religion de la jeune personne. Un catholique épouser une protestante ! Le chevalier de Lamartine revint à de meilleures dispositions quand il sut que Mlle  Birch était toute prête à abjurer le protestantisme, et bientôt, la mère de Lamartine aidant, il n’y eut plus d’opposition que du côté de la mère de la fiancée.

Mme  Birch, qui était veuve, avait deux raisons pour ne pas accorder la main de sa fille à Lamartine. La première, c’est qu’il était sans situation et sans fortune ; la seconde, c’est qu’il appartenait à une autre religion que la sienne. Sur le premier point, sa fille se flattait de la faire céder le jour où Alphonse entrerait dans la diplomatie ; sur le second, elle se montrait irréductible:j’entends que pour rien au monde elle n’eût prêté la main à l’abjuration de sa fille. Cela étant, les deux jeunes gens, qui avaient trouvé le moyen de correspondre sous le couvert d’un ami des Vignet, se dirent qu’avec le temps et un peu de patience, tout finirait par s’arranger, et Lamartine reprit le chemin de la capitale. Il y était à la veille de Noël et remuait immédiatement ciel et terre pour obtenir le poste diplomatique qu’on lui promettait depuis si longtemps. Mais voilà qu’on parlait à présent de l’envoyer dans le Nord, quand sa santé réclamait le Midi. N’importe. « Je serai mort en trois mois, écrivait-il à de Virieu, mais c’est égal. Je m’y traînerai mourant. Je suis trop mal dans ma misère extrême, je suis trop vexé par la pauvreté (1). » Et, en attendant, tous les salons s’ouvraient devant lui et lui faisaient fête. Il dînait avec Thomas Moore. Lord Byron n’avait pas fait à Londres plus de fureur dans ses beaux jours. Villemain même dont il avait peur était dans l’enthousiasme de ses Méditations; i.l les portait aux nues et soutenait que de mémoire d’homme il n’y avait eu de pareils vers. Mais, hélas ! comme il disait, tout cela n’était que vanité. Quand il rentrait dans son taudis de l’hôtel Richelieu, il comptait s’il avait de quoi dîner quinze jours, et il souffrait du foie, comme en 1816, quand il avait rencontré Mme  Charles (2).

(1) « Corr^esp. », t. II, p. 05. Lettre du 10 janvier 1820.

(2) « Ibid. »