Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/198

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— Allons, c’est la bouteille à l’encre, s’écria l’avocat après avoir examiné des lettres qu’il venait de tirer de sa poche. Ces lettres portent le timbre de Sheffield, et tout le monde reconnaîtra au premier coup d’œil qu’elles ne viennent pas de ces messieurs-là (il désignait le roi et le duc qui, je vous en réponds, étaient dans leurs petits souliers). Je m’y attendais et j’espérais que le troisième autographe donnerait raison au nouveau venu ; mais non, son griffonnage illisible ne ressemble en rien à l’écriture de Harvey Wilks.

— L’explication est des plus simples, dit le vieux gentleman. Personne ne peut lire mon écriture, excepté mon frère William, et c’est lui qui a copié mes lettres.

— Voyons un peu, fit l’avocat. J’ai là des lettres de William Wilks. Priez donc votre frère d’écrire quelques lignes et nous verrons bien.

— Il ne peut pas écrire avec sa main gauche ; mais vous n’avez qu’à comparer ses lettres avec les miennes, l’écriture est la même.

— Le fait est qu’il y a une grande ressemblance, répliqua M. Bell après un court examen. N’importe, je ne tiens pas encore ma solution. Une seule chose est prouvée. Ceux qui m’ont remis cette autorisation sont des faussaires, et je leur conseille de ne pas chercher à s’évader, car ils n’en seraient pas quittes pour être logés pendant une année ou deux aux frais de l’État.

Le duc devint blême ; mais le roi fit bonne contenance.

— Ah ! monsieur, dit-il en levant les yeux au plafond, voilà des paroles que vous regretterez d’avoir prononcées. Puisse le ciel vous les pardonner comme je vous les pardonne !

— C’est trop d’hypocrisie ! s’écria le vieux gentleman qui se leva tout à coup. Vous auriez dû comprendre que, par charité, je voulais vous laisser l’occasion de vous repentir ailleurs qu’en prison. Ma patience est à bout… Y a-t-il ici quelqu’un qui ait aidé à ensevelir mon frère ?

— Oui, répliqua un ouvrier de la tannerie, il y a Ab Turner et moi. Alors le vieux monsieur se tourna vers le roi et lui dit :