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XXVIII
préparatifs d’évasion.


Bien que l’heure de notre déjeuner fût encore assez éloignée, je voulus rentrer ; mais Tom m’emmena bon gré, mal gré, dans le bois voisin. Il déclara que nous aurions besoin de lumière dans l’appentis pour creuser notre tunnel et qu’une lanterne en donnerait trop. Ce qu’il fallait, c’était un tas de ces bouts de bois pourris qui émettent une faible lueur. Nous finîmes par en ramasser quelques brassées que nous cachâmes dans un buisson, puis nous nous assîmes sur l’herbe pour nous reposer. Tom paraissait mécontent.

— Qu’as-tu donc ? lui demandai-je.

— J’ai qu’on nous fait la partie trop belle, répliqua-t-il. Il nous a suffi de vouloir pour pénétrer dans le cachot. Au lieu d’un porte-clefs farouche, nous sommes tombés sur ce Sambo. Est-ce là un vrai geôlier ? Pas même un chien de garde à endormir en lui jetant une boulette empoisonnée ! Et puis Jim n’est enchaîné que par une seule jambe. Il suffirait de soulever un des pieds de son lit pour le débloquer. Il se serait sans doute évadé par la fenêtre dès le premier jour, s’il n’avait pas compris qu’on ne va pas loin en traînant une chaîne. L’oncle Silas ne prend aucune précaution. Il nous oblige à inventer toutes les difficultés… Enfin, ce n’est pas notre faute. Ce qui me console, c’est qu’il y a du mérite à créer des obstacles et des dangers quand ceux qui devraient se mettre en travers vous mâchent la besogne. Vois un peu cette affaire de la lanterne, par exemple. Nous pourrions allumer cent torches dans l’appentis sans courir grand risque ; mais nous sommes forcés de feindre d’avoir peur d’être dérangés. Maintenant, il va falloir trouver quelque chose pour fabriquer une scie.