Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/246

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que la peur et l’obscurité l’empêchaient de reconnaître. Tom ne perdit pas la tête. Il se dépêcha de pousser la porte, sortit et lança au loin un morceau de viande qui attira dehors toute la meute. Il me rejoignit au bout d’une minute ou deux et je devinai que les chiens ne rentreraient pas par le tunnel, quoiqu’il ne se donnât pas la peine de me rassurer sur ce point. Il ne s’occupa que du geôlier.

— Sambo, dit-il d’un ton de reproche, en voilà assez de ces histoires. Est-ce que tu te figures encore avoir entendu parler ?

Sambo se releva et regarda autour de lui d’un air effrayé.

— Massa Sid, répliqua-t-il, non seulement j’ai cru entendre aboyer un million de chiens, mais ils m’ont léché la figure ; je les ai sentis, massa Sid… Ah ! je voudrais mettre la main sur ces sorcières, rien qu’une minute ! Elles y regarderaient à deux fois, après, avant de me tourmenter.

— Eh bien, je vais te dire ce que j’en pense. Pourquoi arrivent-elles ici juste à l’heure du déjeuner de Jim ? Parce qu’elles ont faim. Pour qu’elles te laissent tranquille, il faudrait leur préparer un de ces pâtés qu’elles aiment.

— Me voilà bien avancé, massa Sid ! Est-ce que je sais préparer un plat pour les sorcières ?

— Non, parbleu ! Ce n’est pas une cuisine de nègre. Je le préparerai moi-même. Seulement, je te conseille de tourner le dos quand nous mettrons quelque chose dans ton panier et surtout quand Jim le déballera. Ne touche à rien ; ça pourrait rompre le charme et te porter malheur.

— Je m’en garderai bien, massa Sid ; je n’y toucherais pas du bout du doigt — non, pas pour 1 000 dollars.