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Page:Les Braves Gens.djvu/310

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LES BRAVES GENS.

avait été interné en Suisse. Il se contentait de dire qu’il avait fait de son mieux, et qu’il se portait bien. Les rapports qui furent publiés plus tard apprirent à Marguerite qu’elle pouvait être fière de son mari aussi bien que de son frère.

Le sapeur Thorillon avait été mortellement blessé dans une tranchée.

M. Nay parlait de lui avec une véritable tendresse. Au moment de mourir, il avait demandé à son capitaine la faveur d’être enterré « là-bas », afin de reposer auprès de « la famille ».

M. Nay, rentré en France, s’était mis à la recherche de son corps, et remplissait toutes les formalités nécessaires pour accomplir son dernier vœu ; c’est ce qui retardait son retour. On eut encore de ses nouvelles par deux jeunes magistrats de Châtillon, qui avaient fait la campagne en volontaires, et que l’on vit arriver le sac sur le dos, et « tout prêts à recommencer ».

Les lézards de M. Aubry s’étaient généralement bien montrés. « Je n’ai pas besoin, dit le bonhomme, de lire les journaux pour savoir ce que chacun d’eux a fait. Ceux de mes lézards qui « sont restés au soleil » (il entendait par là ceux qui n’avaient pas fui) trottent jusqu’ici, et viennent me serrer la main ; ceux qui ont couru se cacher dans des trous n’oseraient jamais montrer leur nez ici. Ils savent bien que, plutôt que de leur tendre la main, je leur jetterais ma montre à la tête. — C’est-à-dire que je la jetterais si je l’avais encore ! »

Cette réticence n’est qu’une transition adroite pour raconter l’aventure de sa montre qui disparut un beau matin, en compagnie de quelques braves gens de la landwehr, auxquels, bien malgré lui, il avait accordé l’hospitalité, Celui qui l’a emportée, dit-il, avec une malicieuse bonhomie, peut se flatter d’avoir là une fière montre. Peut-être, ajouta-t-il, comme pour excuser son voleur, l’a-t-il prise pour une pendule ! »

Les Loret ont perdu le numéro 2, celui qui travaillait chez M. Defert. Ils n’assomment pas les gens de leurs plaintes, mais entre eux ils parlent souvent de lui. Le père l’offre en exemple à tous les autres. Le chagrin a un peu changé l’humeur de Mme Loret. Si quelque maladroit veut la consoler par des paroles banales de la perte de ce brave garçon, elle renfonce ses larmes et répond brusquement : « Il n’a fait que son devoir, si tout le monde en avait fait autant… » elle n’achève jamais cette partie de sa phrase, et se contente de hocher