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LES BRAVES GENS.

bientôt ses lèvres tremblèrent ; il sentait qu’il venait de dire une sottise ; il se mit à pleurer d’un air boudeur.

« On gâte cet enfant, pensa Mme  Defert, et on le rendra prétentieux et insupportable. »

L’oncle Jean survint. Lui aussi connaissait le mot de son filleul : il était tout simplement pénétré d’admiration. À peine assis, il se pencha vers Jean, sans remarquer son air maussade, et lui demanda des nouvelles des mains du chat, et de ses épingles. En filleul mal appris, Jean tourna le dos à son parrain, avec un mouvement d’épaules facile à interpréter. L’oncle Jean surpris allait insister, Defert lui dit que ce n’était rien et lui demanda des nouvelles de M. Aubry. Une fois sur ce terrain, le capitaine en avait pour longtemps. L’éloge d’Aubry le conduisait par une pente naturelle à l’éloge de Loret. L’incident fut oublié.

Quelle belle occasion Mme  Defert laissa échapper de faire de la morale à tout le monde ! Un pédant n’y eût pas manqué. Ce n’était pas là sa méthode à elle. Elle ne dit pas un mot qui pût être blessant pour qui que ce fût ; mais elle trouva moyen d’insinuer à chacun en particulier, et au moment favorable, qu’il y a du danger à admirer et à répéter les mots des enfants. Elle tenait si peu à paraître régenter les gens, que chacun fut persuadé qu’il avait trouvé cette idée tout seul, et se sut bon gré de l’avoir trouvée.