Page:Les Cahiers de la quinzaine - série 10, cahiers 11 à 13, 1909.djvu/239

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secrète, que ma tentation était la tentation d’un silence absolu. Entrer enfin dans une retraite totale. Nous sommes saturés, nous sommes excédés de cette activité. Pouvoir se taire.

Et pouvoir travailler. C’était aussi la tentation du travail. Travailler pour soi, comme nous disions naïvement à l’École. J’avais la tentation de travailler pour moi. Je ne puis oublier que je suis un philosophe. Je le dis avec une certaine fierté, en un temps où de toutes les cultures, la philosophie est certainement la discipline la plus exposée aux injures, aux ravages, aux mépris ensemble et aux (pires) flatteries, et, ce qu’il y a de pire, aux contrefaçons de toutes les démagogies.

Je ne nie pas, je ne veux point oublier tout ce que je dois, pour mon travail, pour le peu que j’ai de philosophie, à cette épreuve, à cette expérience de quinze années. J’y ai appris et presque j’y ai pris beaucoup de ce que l’on n’apprend pas dans les écoles et dans les assemblées. Je sais aujourd’hui, de la seule manière dont on le puisse savoir, par une expérience réelle et involontaire (je veux dire qui n’avait jamais voulu ni prétendu être une expérience), par une dure et cruelle épreuve, et longue, ce que c’est que des frais généraux et des frais de premier établissement, tout ce que c’est qu’un budget, non seulement le budget d’une famille vivant réellement d’un travail de production, du travail d’une production, mais le budget d’une œuvre, d’une institution, d’une maison ; j’entends d’une maison aussi de production ; j’ai appris, je sais ce que c’est qu’un exercice, que des comptes courants, un doit, un avoir, un excédent, un déficit, un prix de revient, un bilan, un sondage, un inventaire, un (pour cent de) rendement,