Page:Les Cahiers de la quinzaine - série 10, cahiers 11 à 13, 1909.djvu/292

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Il est donné plusieurs fois à l’homme de faire son salut parce que ce n’est ni essentiellement, ni surtout efficiemment, ni même originairement sans doute du terrestre et du charnel, du temporel et du terrien. Et c’est même un des signes où cela se voit le mieux, que c’est une opération tout autre, pour celui qui a un peu l’habitude du laboratoire. Mais de tout ce qui est temporel, de tout ce qui est destiné à tomber dans l’histoire, de tout cet ordre au contraire, de tout ce qui tombe sous la date et dans et sous le lieu rien n’est recommençable ou commutable, rien n’est interchangeable. Il n’est pas donné à l’homme de rien recommencer ou changer du temporel. Rien du temps et du lieu ne se déplace. L’amitié est une opération d’une fois. Tout le temporel est une opération d’une fois. Une opération non inventée, non imaginaire. Ce n’est pas là qu’on peut rien rattraper, qu’un éclair de génie ou de la grâce paye pour toute la longueur d’une vie. Le plus grand génie du monde ne remplace pas d’avoir eu tel berceau, telle patrie, d’être sorti de telle race terrienne. Le plus grand génie du monde aussi ne remplace pas d’avoir eu telle amitié, à telle date, en ce lieu, tel berceau d’amitié. Tout homme a, par sa naissance temporelle, par sa situation temporelle, par son lieu, par son temps temporel, par sa prise de date, une certaine zone d’amitié, et nulle autre, une certaine zone où il travaille, où il peut travailler, où l’événement travaille, pour ou contre lui. Une zone étroite, une sorte de coupe. Il n’est donné à l’homme de se faire une amitié, de lier l’amitié que dans une seule génération, dans une seule promotion, dans une seule zone. Le reste est autre. Il n’est pas donné à l’homme de se faire un autre berceau,