Page:Les Caquets de l'Accouchée.djvu/18

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ment Marot et Bèze, et une infinité de grands philosophes. « Mercy de ma vie, reprend la religionnaire piquée au vif, oui, je les ai lus ; qu’en voulez-vous dire, vieille sans dents ? Continuant ce propos, elle déclare que les gens de sa secte ne cherchent que concorde, fraternelle amitié, et ne veulent que réformation. — C’est bien à faire à vous de nous reformer ! reprend la vieille ; il y a douze cens ans que la France a quitté son erreur pour s’enroller sous les drappeaux de la vraye eglise ; et aujourd’huy une femme voudra la reformer ! Il ne faut qu’un Calvin, qu’un Luther, et deux autres moines reniez et appostatz pour faire refleurir l’ancienne majesté de l’Eglise ! »

Ici l’auteur interrompt cette vive querelle pour lancer contre les réformés un trait d’autant plus vif qu’il est inattendu. « Un petit chien, dit-il, qu’une certaine damoiselle de la ruë S.-Paul portoit pour passe-temps, entendant parler de Calvin, leva sa teste, croyant qu’on l’appellast, car c’estoit son nom, ce qui fust assez remarqué de la compagnie ; mais sa maistresse le resserra sous sa cotte, de peur de faire deshonneur aux saintz. » Puis, reprenant son propos, il fait tenir à la vieille bourgeoise ce discours : « D’où sont venues toutes les guerres civilles qui ont miné et deserté toute ceste monarchie depuis quatre-vingt ou cent ans ? Vostre religion n’a-t-elle pas allumé le feu aux quatre coins de la France ? N’avons-nous pas vu, au moins mon père me l’a dit cent fois, depuis l’avenement du roy Henry II à la couronne jusqu’à maintenant, tout ce royaume bouleversé pour vostre subjet ? On vous a veu naistre tous armez comme les gens d’armes de la