Page:Les Caquets de l'Accouchée.djvu/212

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— M. de Nemours l’affectionne trop, dit la tresorière, pour ne luy procurer quelque honnorable fortune, en recompence d’un si signalé service ; et puis le naturel de ce prince est si benin et si loüable qu’il le recompenseroit plustost de son propre bien qu’il vesquist le reste de ses jours avec un mecontentement.

Sur ces entrefaites, la garde de l’accouchée voulut mettre son nez et discourir de monsieur de Nemours à bonds et à vollée13 ; mais le respect que la compagnie portoit à son rang et à sa qualité fut cause qu’on luy ferma la bouche, sinon qu’on lui permit de discourir des façons de faire de la cour, voyant que le cœur luy en disoit : tellement qu’ayant prins pareatis de ce faire, elle ne fut guère honteuse de declarer son secret, qui estoit qu’au siége de Montpellier, lors que le roy perdit tant de braves seigneurs et gentils-hommes, qu’il estoit demeuré à ceste meslée un certain homme sur la place qui luy faisoit porter beaucoup d’ennuy, qui ne se pourroit jamais terminer que par la mort, quand toutes les meilleures fortunes luy arriveroyent, auxquelles neantmoins elle disoit ne pouvoir aspirer à cause de son aage, et en consideration de ce qu’on la cognoissoit quatre grands lieuës par delà les bornes de la raison.



13. À tort et à travers. C’étoit une locution des jeux de paume. Charron dit à bonds et voles. (La Sagesse, liv. 2, ch. 1.)