Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/40

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V


 
Il demande quel sang rougit sa main fumante,
Et sa fille à ses pieds vient tomber expirante !
DELILLE



Une des plus profondes inventions du génie de l’homme, c’est, selon moi, le costume ; c’est l’habit officiel qui annonce matériellement à tous les yeux, au moyen d’un certain nombre de galons et de broderies, quelle est l’importance de tel personnage et à quel degré précis de respect il peut prétendre. Certes, il a fallu une tête forte et métaphysique pour concevoir une semblable idée. Mais aussi combien de peine elle épargne à chacun de nous et quels effets magiques elle opère sur la foule ! Voyez ces juges qui viennent prononcer sur la fortune et l’honneur de leurs semblables. Que sont-ils individuellement ? L’un a des maîtresses, l’autre est gourmand, le troisième joue des charades et celui-là porte queue ! Eh bien ! la société couvre d’une robe rouge ces citoyens estimables et les assied dans leurs fauteuils, comme des abstractions menaçantes devant lesquelles le vulgaire se découvre avec respect, oubliant l’homme pour ne plus voir que la justice ; tant la civilisation sait créer de puissance avec une aune d’étoffe et un bonnet carré !

Le costume n’exerce pas seulement son influence sur autrui ; souvent il métamorphose complètement celui qui le porte. Combien doivent à leur habit ce qu’ils ont de courage, de talent,