Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/84

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— Oui, mon père.

— Ces Arriani sont d’une grande famille, si ce sont les Arriani de Florence.

— C’est l’aîné des fils, Octavio, qui m’a donné son nom, continua la jeune femme.

— Un jeune homme pâle, de moyenne taille, le front large et élevé, les cheveux noirs comme du jais ; l’œil noir aussi, brillant d’un feu sauvage…

— L’avez-vous donc vu, mon père, pour le dépeindre si bien ?

— Je l’ai connu autrefois à Bologne où il étudiait, répondit Cornelio. Le traître ! c’était donc son mari, ajouta-t-il à voix basse, comme en se parlant à lui-même.

— Je ne savais pas alors que je préparais le malheur de ma vie, quand je consentais à être sa femme !

— Choisir le bras qu’il a choisi pour consommer ce crime ! poursuivait Cornelio, toujours dans sa rêverie.

— De quel crime parlez-vous, mon père ? demanda la Zoccolina.

— Rien, ma fille, rien. Toi, tu es innocente, j’en suis sûr. Mais, lui, c’est un assassin hypocrite et de sang-froid sur qui j’appelle la vengeance du ciel. Et quant à moi, ajouta le vieillard avec l’accent d’une violente émotion intérieure, je ne vaux guère mieux, je suis aussi un misérable. Pourquoi l’enfer m’a-t-il laissé vivre jusqu’à présent pour voir ce que j’ai vu et pour faire ce que j’ai fait ? Malédiction sur mes cheveux blancs ! je devrais être mort !

— Eh ! mon père, remettez-vous, dit la jeune femme en pleurant. Qu’allons-nous devenir, si vous vous laissez aussi aller au désespoir, vous auprès de qui je viens chercher l’appui qui m’est nécessaire ?

— Tu as raison, ma fille, dit le vieux Cornelio, redevenant maître de l’émotion à laquelle il n’avait pas su commander. Raconte-moi ton histoire ; je vais l’écouter tranquillement.