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LE VOYAGE DE GYLFE.

Lorsqu’elle fut apportée aux Ases, ils remercièrent leur messager d’avoir si bien réussi dans sa commission ; ensuite ils se rendirent sur le lac Amsvartner, vers un îlot appelé Lyngve, et invitèrent Fenris à les accompagner. Ils lui montrèrent le lacet de soie, en le priant de le casser, et ajoutèrent qu’il était peut-être plus fort qu’on ne pouvait le supposer par sa grosseur. Les Ases se passèrent de l’un à l’autre ce lacet, en essayant de le rompre, mais ce fut inutilement ; ils assurèrent que Fenris en viendrait à bout. Le loup répondit : À voir ce lacet, il n’y aura pas de gloire à le rompre ; toutefois, s’il a été fabriqué avec ruse et artifice, jamais, malgré sa faiblesse apparente, il ne touchera mes jambes. — Les Ases dirent alors qu’il lui serait très-facile de venir à bout d’une chaîne aussi mince, puisque Lœding et Drome n’avaient pu lui résister ; mais, ajoutèrent-ils, si tu ne peux rompre ce lacet, tu ne saurais être redoutable pour les dieux, et nous t’en débarrasserons. — Fenris répondit : Si vous serrez ce lien de manière à ce que je ne puisse m’en débarrasser moi-même, vous planerez tellement au-dessus de moi que votre secours m’arrivera tard. Je n’ai donc aucune envie de me laisser attacher avec ce lacet. Cependant, afin que vous ne m’accusiez pas de lâcheté, je propose à l’un de vous de mettre sa main en gage dans ma gueule, pour me donner la certitude que tout se passera loyalement. Les Ases se regardèrent, car cette condition leur paraissait dure, et per-