Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/139

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croire personnellement ? Lorsque les enfants viennent nous dire en battant des mains : « Quelle bonne chose ! ce sont aujourd’hui les saturnales ! » leur disons-nous que ce n’est pas une bonne chose ? Non ; mais nous battons des mains avec eux. De même, quand tu ne pourras pas persuader quelqu’un, dis-toi que c’est un enfant, et bats des mains avec lui ; ou, si tu ne veux pas le faire, ne lui dis plus rien.

Voilà ce dont nous devons nous souvenir ; et, quand nous sommes appelés à une épreuve pareille, il nous faut savoir que le moment est venu de montrer ce que nous avons appris. Le jeune homme qui, au sortir de l’école, se trouve dans une de ces épreuves, est dans le même cas que celui qui a appris à analyser des syllogismes. Si vous présentez à ce dernier un syllogisme facile, il vous dira : « Donnez-m’en plutôt un qui soit savamment compliqué, pour m’exercer. » Les athlètes, de leur côté, n’aiment pas un adversaire trop jeune et trop peu lourd : « Il ne peut m’enlever de terre, » disent-ils. C’est comme cela qu’agit le jeune homme heureusement doué. Loin de faire ainsi, te faut-il, quand l’occasion t’appelle, te mettre à pleurer et à dire : « Je voudrais bien apprendre encore ? » — Eh ! apprendre quoi ? car si tu n’as pas appris tout cela de façon à le prouver par ta conduite, à quelle fin l’as-tu appris ?

Moi, je crois que, parmi ceux qui sont assis ici, il y en a qui couvent quelque chose en eux-mêmes, et qui disent : « Ne se présentera-t-il pas pour moi une épreuve pareille à celle qui s’est présentée pour lui ? Dois-je passer ma vie assis dans un