Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/142

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Qui condamne-t-on ? La proposition conjonctive, on celui qui se trompe à son endroit ? Est-ce que cet individu, qui a le pouvoir de prononcer sur toi, sait ce que c’est que la piété ou l’impiété ? Est-ce qu’il y a jamais réfléchi ? Est-ce qu’il l’a jamais appris ? Où l’aurait-il fait ? Et de qui ? Un musicien s’inquiéterait fort peu qu’il déclarât que la note la plus basse est la plus haute ; un géomètre, qu’il prononçât que toutes les lignes menées de la circonférence au centre ne sont pas égales ; et l’homme vraiment instruit s’occupera des jugements d’un ignorant sur ce qui est honnête et sur ce qui ne l’est pas, sur ce qui est juste et sur ce qui est injuste ! Quel tort pour des gens instruits ! Est-ce là ce que tu as appris ici ?

Tous les beaux raisonnements sur ce sujet, ne veux-tu pas les laisser à d’autres, à ces diminutifs d’hommes qui ne savent pas ce que c’est que de souffrir, pour qu’ils restent assis dans leur coin à recevoir leur salaire, ou à grogner de ce qu’on ne leur donne rien ? Ne veux-tu pas venir devant nous appliquer ce que tu as appris ? Ce ne sont pas les beaux raisonnements qui nous manquent aujourd’hui ! Les livres des Stoïciens sont pleins de beaux raisonnements. Qu’est-ce qui nous manque donc ? Quelqu’un qui pratique, et qui confirme ses paroles par ses actes. Viens prendre ce rôle, pour que nous n’employions plus dans l’école des exemples tirés de l’antiquité, mais que nous en ayons aussi un de notre époque. Qui doit contempler les objets que nous avons devant nous ? Celui qui a du loisir ; car l’homme est un animal ami de la contemplation. Seulement il est honteux de les regarder