Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/179

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nourrissent. Ce dont on se nourrit se digère, se répand dans le corps, devient des muscles, de la chair, des os, du sang, le teint et la respiration de la santé. Ce que l’on a serré, on l’a sous sa main pour le pouvoir prendre et montrer ; mais on n’en tire d’autre profit que de faire voir qu’on l’a. Quelle différence y a-t-il a exposer les idées que tu n’appliques pas, ou à exposer celles d’une autre école ? Assieds-toi et explique-nous le système d’Épicure. Peut-être nous l’expliqueras-tu plus habilement que lui-même. Pourquoi te prétendre Stoïcien ? Pourquoi tromper la foule ? Pourquoi joues-tu le Juif, quand tu es Grec ? Ne sais-tu pas pourquoi l’on dit qu’un tel est Juif, Syrien ou Égyptien ? D’ordinaire, quand on voit quelqu’un être à moitié ceci, à moitié cela, on dit : « Il n’est pas Juif, mais il joue le Juif. » Ce n’est que quand un homme prend l’esprit du baptisé et du sectaire qu’il est réellement Juif, et qu’on lui en donne le nom. Il en est de même de nous : nous n’avons pas été baptisés ; nous sommes Juifs de nom, mais pas de fait. Notre esprit ne répond pas à notre langage ; nous sommes loin d’appliquer ce que nous disons, et ce que nous sommes si fiers de savoir.

Voilà comme n’étant déjà pas de force à remplir notre rôle d’hommes, nous nous chargeons encore de celui de philosophes : c’est se charger, comme quelqu’un qui ne pourrait soulever dix livres, et qui voudrait porter la pierre d’Ajax.