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xiv

eux le portrait du Stoïcien, ce portrait sera sensiblement modifié. La tête du Sage sera toujours haute, et son regard en face, comme ceux d’un homme dont la conscience est pure, mais l’indulgence sera sur son visage, et la simplicité dans toutes ses manières. Si sa figure en impose par son élévation et sa gravité calme, elle attirera par sa bonté. Nous n’aurons plus Caton, mais Socrate. Ce sera l’homme préoccupé d’être, et non plus de paraître ; et le fond de la doctrine ne sera plus l’orgueil, mais un sentiment profondément religieux : cette force, dont on prétend les Stoïciens si fiers, ce ne sera plus que pour justifier la Providence qu’ils tâcheront de l’avoir.

« Jupiter n’est pas juste, si, en mettant l’homme sur la terre, il ne l’a pas fait capable d’y être heureux, comme il l’est lui-même. »

Ainsi parle Épictète, et sa constante préoccupation va être de démontrer, qu’en effet Jupiter a mis le bonheur à la portée de l’homme.

C’est à le démontrer par la théorie que lui sert le dogme austère, qu’il n’y a de bien et de mal que dans les faits qui émanent de notre libre arbitre, et qu’en dehors de nos jugements et de nos volontés tout est indifférent.

C’est à le confirmer par la pratique, que lui sert à son tour l’ἀπάθεια, cette sérénité inaltérable, qui n’est pas l’insensibilité de la statue (οὐ δεῖ ὡς ἀνδρίαντα εἶναι), mais le calme d’un homme maître de ses désirs, et heureux de la