Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/203

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ont besoin d’ellébore. Ne consentiras-tu pas à te conduire comme un malade, à appeler le médecin ? « Je suis malade, maître (lui dit-on) : viens à mon secours ; examine ce que je dois faire; je n’ai, moi, qu’à t’obéir. » De même ici : « Je ne sais pas ce que je dois faire (devrait-on lui dire) ; je suis venu pour l’apprendre. » Au lieu de cela, on lui dit: « Parle-moi d’autre chose ; quant à cette question-là, je suis décidé. » — Et de quelle autre chose veux-tu qu’on te parle ? Car qu’y a-t-il de plus important et de plus utile que de te convaincre qu’il ne suffit pas d’avoir décidé et de ne point varier dans sa décision ? C’est le déploiement de force d’un fou et non pas d’un homme de bon sens. — « Je suis résolu à mourir, si tu veux me contraindre à celà ! » — Pourquoi, mon ami ? Qu’est-il arrivé ? — « Je l’ai décidé ! » — Je suis bien heureux que tu n’aies pas décidé de me tuer ! — « Je ne veux pas de ton argent ! » — Pourquoi ? — « Je l’ai décidé. » — Sache donc que la force que tu déploies pour refuser, rien ne garantit que tu ne la déploieras pas un jour pour prendre avec aussi peu de raison, et que tu ne diras pas encore : « J’ai décidé. » Dans le corps d’un malade qu’assiègent les rhumatismes, les humeurs se portent tantôt sur un point, tantôt sur un autre ; de même une âme faible se porte d’un côté sans savoir pourquoi ; puis, quand à cette inclinaison et à ce mouvement vient s’ajouter la force, il n’y a plus contre le mal qui en résulte ni secours ni remède.