Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/206

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ments ! » Imbécile ! n’as-tu pas des doigts ? Et n’est-ce pas Dieu qui te les a donnés ? Assieds-toi, et prie-le d’empêcher tes narines de couler ! Mouche-toi plutôt, et ne lui fais pas de reproches. Pour le cas présent aussi ne t’a-t-il rien donné ? Ne t’a-t-il pas donné la patience ? Ne t’a-t-il pas donné l’élévation de l’âme ? Ne t’a-t-il pas donné le courage ? Voilà des doigts ! Et, quand tu les as, chercheras-tu encore quelqu’un pour te moucher ? Mais nous ne songeons pas à ces ressources ; nous n’en tenons point compte ! Car présentez-moi quelqu’un qui songe à la façon dont il fera quelque chose ; qui se préoccupe, non point d’un objet à obtenir, mais de la conduite qu’il tiendra. Qui donc, en se promenant, se préoccupe de sa manière de se promener ? Qui donc, quand il délibère avec lui-même, se préoccupe de sa délibération même, et non pas des moyens de réussir dans ce sur quoi il délibère ? S’il réussit, le voilà fier, et il dit: « Comme nous avons su prendre le bon parti ! Ne te disais-je pas, frère, qu’il n’est pas possible, quand nous avons réfléchi à une affaire, qu’elle ne tourne pas comme cela ? » Mais, s’il ne réussit point, voilà notre malheureux à bas, et qui ne trouve plus un mot à dire sur ce qui est arrivé. Quel est celui de nous qui consulte jamais les devins sur ce point ? Quel est celui qui ne s’endort tranquillement sur ses actes ? Quel est-il ? Présentez-m’en un seul, pour que je voie l’homme que je cherche depuis si longtemps, l’homme qui est vraiment de noble race et d’une nature d’élite. Qu’il soit jeune ou vieux, présentez-le moi.

Comment donc s’étonner que nous nous connaissions si bien aux choses extérieures, et que dans nos