CHAPITRE IV
Un procurateur de l’Epire avait favorisé un histrion d’une manière inconvenante, et le public lui avait dit des injures; il était venu alors raconter ces injures à Epictète, et il s’indignait contre ceux qui les lui avaient adressées. Qu’ont-ils fait de mal, lui dit celui-ci? Ils ont donné des marques de leur faveur, tout comme toi. — Mais peut-on en donner de pareilles? dit notre homme. — Quand ils te voyaient, répliqua Epictète, toi leur magistrat, toi l’ami et le procurateur de César, témoigner ainsi ta faveur, ne pouvaient-ils pas de même témoigner la leur? Car, si l’on ne doit pas témoigner ainsi sa faveur, commence par ne pas témoigner la tienne; ou, si on le doit, pourquoi leur en veux-tu de t’avoir imité? Qui la multitude peut-elle imiter, si ce n’est vous qui êtes au-dessus d’elle? Et, quand elle va au théâtre, sur qui a-t-elle les yeux, si ce n’est sur vous? « Vois, dit-on, comme l’intendant de César regarde le spectacle! Il a crié! Je crierai donc, moi aussi. Il trépigne d’enthousiasme! Je trépignerai donc aussi. Ses esclaves, assis à ses côtés, poussent des clameurs! Moi, je n’ai pas d’esclaves; je vais à moi seul, si je le