Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/331

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friandises. Tu dois savoir que les autres hommes, quand ils cèdent à une de ces tentations, mettent entre les regards et eux les murs de leurs maisons et les ténèbres, et qu’ils ont mille manières de se cacher. Ils s’enferment; ils placent quelqu’un à la porte de leur chambre à coucher: « Si on vient, dis que je suis sorti, que je n’ai pas le temps. » Mais le Cynique, en place de tout cela, doit mettre sa retenue entre les yeux et lui, s’il ne veut se livrer nu et en plein jour à des actes honteux. Voilà sa maison, voilà sa porte, voilà le gardien de sa chambre à coucher, voilà ses ténèbres. Il ne doit vouloir cacher rien de ce qu’il fait. Autrement, c’en est fait, il a détruit en lui le Cynique, l’homme qui peut vivre au grand jour, et qui est vraiment libre. Il s’est mis à redouter les objets extérieurs, à avoir besoin de quelque chose qui le cache; il ne peut pas l’avoir quand il veut. Car où se cachera-t-il, et comment? Et si, par malheur, il est surpris en faute, lui le maître et le précepteur de tous, que ne devra-t-il pas lui arriver? Avec cette crainte, comment pourra-t-il conserver toute sa force d’âme, pour rester à la tête de l’humanité? Il ne le saurait; il ne le peut. Il te faut donc commencer par purifier ta partie maîtresse; et voici quels doivent être tes principes: Mon âme est la matière que je dois travailler, comme le charpentier le bois, comme le cordonnier le cuir; et ce que j’en dois faire, c’est une àme qui se serve convenablement des idées. Mon corps n’est rien pour moi; ses mem bres ne sont rien pour moi. Et la mort? Qu’elle vienne, quand elle voudra, pour le tout, ou pour une partie. — « Va-t’en en exil », me dit-on. — Mais