Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/372

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rai, c’est ta ville, c’est la loi de ta ville, consens-y donc; car il faut toujours, et en toute chose, obéir à la loi. » Puis, quand ton imagination te tourmentera (car cela ne dépend pas de toi), combats-la et dompte-la à l’aide de ta raison: ne lui permets pas de prendre des forces et de se lancer au dehors, pour t’y montrer ce qu’elle veut, et comme elle le veut. Si tu es à Gyaros, ne te reprérente pas la vie de Rome, ni tous les plaisirs que tu avais quand tu y habitais et que tu aurais si tu y retournais; applique-toi uniquement à ce que doit faire celui qui vit à Gyaros, pour vivre à Gyaros en homme de courage. Si tu es à Rome, ne te représente pas la vie d’Athènes; ne t’occupe que de la vie de Rome.

Puis, à la place de tous les plaisirs, mets celui de comprendre que tu obéis à Dieu, et que tu joues ici le rôle du Sage, non par ce que tu dis, mais par ce que tu fais. Quelle chose en effet que de pouvoir se dire: « Ce dont les autres dissertent pompeusement dans les écoles, et ce qu’ils regardent comme des paradoxes, moi je l’accomplis aujourd’hui. Ce sont mes vertus qu’ils analysent sur leurs bancs; c’est sur moi qu’ils discutent; c’est moi dont ils font l’éloge. Jupiter a voulu que j’eusse en moi-même la preuve que toutes ces vertus sont possibles. Il a voulu, pour ce qui le regarde, voir par moi s’il pouvait avoir un soldat tel qu’il le faut, un citoyen tel qu’il le faut; et, pour les autres hommes, il a voulu me présenter à eux comme un témoin qui leur dit au sujet des choses qui ne dépendent pas de notre libre arbitre: Voyez! c’est en vain que vous vous