Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/378

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nent rien, est-ce une honte pour toi? Est-ce là ce que tu as appris chez les philosophes? Ne leur as-tu pas entendu dire que ce qui est blamable est seul honteux, et que ce qui est blâmable c’est ce qui est digne de blâme? Et qui peux-tu blâmer de ce qui n’est pas son œuvre, de ce qu’il n’a pas fait lui-même? Est-ce donc toi qui as fait ton père tel qu’il est? Ou bien t’est-il possible de le corriger? Est-ce là une chose qui soit en ta puissance? Eh bien! dois-tu vouloir ce qui n’est pas en ta puissance? ou rougir quand tu n’y réussis pas? Est-ce la philosophie qui t’a fait prendre cette habitude d’avoir les yeux sur les autres, et de ne rien attendre de toi-même? Gémis donc, lamente-toi, et ne mange qu’en tremblant de n’avoir pas de quoi vivre demain. Tremble que tes esclaves ne te volent, ne s’enfuient ou ne meurent. Que ce soit là ta vie, et qu’elle ne cesse jamais, puisque c’est de nom seulement que tu t’es approché de la philosophie, puisque tu déshonores son enseignement autant qu’il t’est possible de le faire, toi qui montres qu’il est sans utilité et sans profit pour ceux qui l’ont reçu. Jamais tu n’as souhaité le calme, la tranquillité, l’impassibilité; jamais tu ne t’es attaché à personne pour y arriver; mais que de gens auxquels tu t’es attaché par amour pour les syllogismes! Jamais pour aucune des choses qui apparaissaient à tes sens tu ne t’es demandé à toi-même: « Pourrai-je, ou ne pourrai-je pas supporter cela? Que me reste-t-il à faire? » Mais, comme si tout ce qui est à toi était en bon état et à l’abri de tout péril, tu t’occupais de ce qui ne doit venir qu’après tout le reste, de l’immutabilité! Et qu’avais-tu donc à