Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/386

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manque jamais ce qu’il désire? Pas un. De cette manière donc encore nous n’en avons pas un qui soit libre.

Tiens ce langage devant un homme qui aura été deux fois consul, il te le pardonnera, si tu ajoutes: « Pour toi, tu es un sage, et rien de tout ceci ne te concerne. » Mais, si tu lui dis la vérité, qu’au point de vue de la servitude il n’y a aucune différence entre lui et ceux qui ont été vendus trois fois, devras-tu en attendre autre chose que des coups? « Comment! dira-t-il, je suis un esclave, moi, dont le père était libre, dont la mère était libre, et que personne n’a acheté! Mais je suis sénateur, et ami de César! J’ai été consul, et j’ai une foule d’esclaves! » D’abord, mon cher sénateur, peut-être ton père était-il esclave tout comme toi, ainsi que ta mère, ainsi que ton grand-père et tous tes aïeux à la suite les uns des autres. Et, alors même qu’ils auraient été aussi libres que possible, qu’importerait par rapport à toi? Qu’importe, en effet, qu’ils aient eu du cœur, si tu n’en as pas! Qu’ils aient été courageux, si tu es lâche! Qu’ils aient été maîtres d’eux-mêmes, si tu ne l’es pas de toi!

— « Et quels rapports ceci a-t-il avec la servitude? » — Crois-tu que ce ne soit pas de l’esclavage que de faire quelque chose malgré soi, par contrainte, en pleurant? — « Soit, mais qui peut me contraindre, hormis César, le maître de tous? » — Tu conviens donc, toi-même, que tu as un maître? « Ce maître, dis-tu, est commun à tous; » mais cela ne doit pas être pour toi une consolation: cela signifie seulement que tu es esclave dans une maison qui a un grand nombre d’autres esclaves. Tu