Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/394

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dire: « Hélas, que de maux je souffre! » appelle-le esclave. Plus simplement, qui que ce soit que tu voies pleurer, se plaindre, se trouver malheureux, appelle-le esclave, quand même il porterait la robe bordée de pourpre. Alors même encore que l’on ne ferait rien de tout cela, ne dis pas qu’on est libre: examine auparavant les déterminations des gens; vois s’il n’y a pour elles ni contrainte, ni empêchement, ni mauvais succès. Si tu trouves les gens dans ce cas, dis que ce sont des esclaves, qui ont un jour de congé aux Saturnales; dis que leur maître est en voyage; mais il arrivera, et tu verras alors quelle est leur condition. Quel est donc ce maître qui doit arriver? Tous ceux qui ont le pouvoir de leur procurer ou de leur enlever quelqu’un des objets qu’ils désirent. Avons-nous donc, en effet, tant de maîtres? Oui, car avant ceux-là nous avons les objets mêmes pour maîtres; et ces objets sont nombreux, et c’est grâce à eux que tous ceux qui les ont à leur disposition sont forcément nos maîtres, eux aussi. Ce que l’on craint, en effet, ce n’est pas la personne de l’Empereur; mais la mort, l’exil, la confiscation, la prison, la dégradation. Ce n’est pas non plus l’Empereur que l’on aime, à moins qu’il ne ëoit du premier mérite; c’est la richesse que nous aimons; c’est le tribunat, la prêtrise, le consulat. Mais, dès que nous aimons, haïssons, ou redoutons ainsi quelque chose, tous ceux qui l’ont en leur pouvoir sont forcément nos maîtres. De là vient encore que nous les honorons comme des dieux. Nous croyons, en effet, que les choses les plus utiles sont aux mains des Dieux; et nous y ajoutons à tort: « Cet homme a dans ses mains les