Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/432

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mais ce qui est vraiment de l’homme, la marque qu’il portait dans son âme, lorsqu’il est venu au monde, marque semblable à celle que nous cherchons sur les monnaies, pour les juger bonnes quand nous l’y trouvons, pour les rejeter quand nous ne l’y trouvons pas. « Quelle marque (disons-nous) a cette pièce de quatre as? — La marque de Trajan. — Apporte. — Elle a la marque de Néron. — Jette-là; elle est de mauvais aloi; elle est altérée. Il en est de même ici: « Quelle marque portent ses façons de penser et de vouloir? » — « Celle d’un être doux, sociable, patient, affectueux. » — « Apporte. Je le reçois; j’en fais mon concitoyen; je le reçois pour voisin, et pour compagnon de traversée. Prends garde seulement qu’il ne porte pas la marque de Néron. Ne serait-il pas colère, rancunier, mécontent de tout? Ne serait-il pas sujet, quand l’idée lui en vient, à casser la tête de ceux qu’il rencontre? Si cela est, pourquoi l’appelais-tu un homme? Ce n’est pas à la forme seule qu’on distingue chaque espèce d’êtres. A ce compte, en effet, il faudrait dire qu’une pomme en cire est une vraie pomme, tandis qu’il y faut encore et l’odeur et le goût, la configuration extérieure n’y suffisant pas. De même, pour faire un homme il ne suffit pas des narines et des yeux; il y faut encore des façons de penser et de vouloir qui soient d’un homme. Un tel n’écoute pas la raison; il ne se rend pas, quand on l’a convaincu d’erreur: ce n’est qu’un âne. Toute retenue est morte chez cet autre: il n’est bon à rien; il n’y a rien qu’il ne soit plutôt qu’un homme. Celui-ci cherche à rencontrer quelqu’un afin de ruer ou de mordre: ce n’est pas