Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/456

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serait, en effet, d’un sot et d’un vaniteux de venir dire: « Je suis au-dessus de toute agitation et de tout trouble. Sachez-le, ô mortels: tandis que vous vous tourmentez et vous bouleversez pour des choses sans valeur, moi je suis exempt de toute espèce de trouble. » Ne te suffit-il donc pas pareillement de ne pas être malade, sans crier bien haut: « Réunissez-vous tous, vous qui avez la goutte, vous qui souffrez de la tête, vous qui êtes aveugles, vous qui êtes boiteux, et voyez-moi en bonne santé, sans nulle espèce de mal? » Il n’y aurait là en effet que vanité et sottise, à moins que, comme Esculape, tu ne pusses leur indiquer sur-le-champ le traitement qui les guérirait sur-le-champ eux aussi, et que ta santé ne fût un exemple que tu leur citasses dans ce but.

Voilà, en effet, ce qu’est le Cynique, que Jupiter a jugé digne de porter le sceptre et le diadème. « Hommes, dit-il, pour que vous voyiez bien que vous cherchez le bonheur et le calme, non pas où ils sont, mais où ils ne sont pas, me voici comme un exemple que Dieu vous envoie: je n’ai ni fortune, ni maison, ni femme, ni enfants; bien loin de là, je n’ai même pas de lit, pas de tunique, pas de meubles; voyez pourtant comme je me porte bien. Mettez-moi à l’épreuve; et, si vous reconnaissez qu’en effet je suis exempt de trouble, instruisez-vous de mes remèdes et de mon traitement. » Voilà la conduite d’un ami de l’humanité et d’un homme de cœur! Mais voyez à qui il appartient d’agir ainsi: à Jupiter, ou à celui qu’il a jugé digne d’être ainsi son ministre, en lui défendant de jamais laisser voir à la foule quoi que ce