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l’être doué de la vie ne souffre de rien tant que de ce qui n’est pas raisonnable ; et qu’en revanche il n’est attiré par rien autant que par ce qui est raisonnable.

Mais ce qui paraît raisonnable ou déraisonnable à l’un, ne le paraît pas à l’autre. Il en est de cela comme du bien et du mal, de l’utile et du nuisible. Et c’est pour ce motif surtout que nous avons besoin d’instruction pour apprendre à mettre d’accord avec la nature, dans chaque cas particulier, notre notion à priori du raisonnable et du déraisonnable.

Or, pour juger de ce qui est conforme ou contraire à la raison, nous ne nous bornons pas à apprécier les objets extérieurs, nous tenons compte encore de notre dignité personnelle. L’un, en effet, trouve conforme à la raison de présenter le pot de chambre à quelqu’un, parce qu’il ne voit qu’une chose : que, s’il ne le présente point, il recevra des coups et ne recevra pas de nourriture ; tandis que s’il le présente, il n’aura à supporter rien de fâcheux ni de pénible. L’autre, non-seulement trouve intolérable de le présenter lui-même, mais encore ne saurait souffrir qu’un autre le lui présente. Si tu me fais cette question : « Présenterai-je ou non le pot de chambre ? » Je te dirai que recevoir de la nourriture vaut mieux que n’en pas recevoir, et qu’il y a plus de désagrément à être frappé de verges qu’à ne pas l’être ; de sorte que, si tu calcules d’après cela ce qui te convient, va présenter le pot de chambre. — Mais la chose est indigne de moi. — C’est à toi de faire entrer cela en ligne de compte, et non pas à moi, car tu es le seul qui