Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/465

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Ils étaient tous à toi; c’est toi qui me les avais faits. » N’est-ce pas assez de partir dans de pareils sentiments? Peut-on vivre mieux et plus honorablement que celui qui les a? Peut-on mourir plus heureusement?

Pour en arriver là, il y a de grandes choses à perdre, si l’on y en gagne de grandes. Tu ne peux prétendre tout à la fois au consulat et à ces sentiments, chercher à avoir tout à la fois des terres et ces sentiments, t’occuper tout ensemble de tes esclaves et de toi-même. Si tu veux avoir ce qui n’est pas à toi, tu perds ce qui est à toi. Telle est la nature de la chose; et rien ne s’obtient pour rien. Et qu’y a-t-il là d’étonnant? Si tu veux être consul, il te faut veiller, courir à droite et à gau che, baiser certaines mains, pourrir aux portes d’autrui, dire et faire bien des choses indignes d’un homme libre, envoyer des présents à un bon nombre d’individus, et même à quelques-uns des cadeaux tous les jours. Et à quoi arrives-tu par là? A avoir douze faisceaux de verges, à siéger trois ou quatre fois dans un tribunal, à donner des jeux dans le Cirque, à servir des repas dans des corbeilles. Montre-moi à quoi tu arrives en plus? Eh bien! pour être exempt de troubles et d’agitations, pour dormir réellement quand tu dors, pour être vraiment éveillé quand tu veilles, pour ne rien redouter et ne te tourmenter de rien, ne consentiras-tu à perdre quelque chose, à te donner quelque peine? Et, si quelque chose chez toi se perd ou se dépense mal, tandis que tu es ainsi occupé, ou si quelque autre obtient ce que tu devais obtenir, te chagrineras-tu bien vite de ce qui sera arrivé? Ne mettras-