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raient ainsi à Dieu, comme des parties qui en ont été détachées, sans que Dieu s’aperçût de leur mouvement, qui est de même nature que le sien, et qui est le sien même ! Tu pourrais, toi, appliquer ton esprit au gouvernement de Dieu, et à toutes les choses divines, en même temps qu’aux affaires humaines, recevoir tout à la fois de milliers d’objets des sensations ou des pensées, et donner ton adhésion aux unes, rejeter les autres, t’abstenir sur d’autres ; tu pourrais conserver dans ton âme les images de tant d’objets divers, t’en faire un point de départ pour arriver à d’autres idées analogues à celles qui t’ont frappé les premières, passer d’un procédé à un autre, et garder le souvenir de milliers de choses ; et Dieu ne serait pas capable de tout voir, d’être présent partout, d’être en communication avec tout ! Le soleil serait capable d’éclairer une si grande portion de l’univers, en ne laissant dans l’obscurité que la petite partie qui est occupée par l’ombre que projette la terre ; et celui qui a fait le soleil (cette partie de lui-même si minime par rapport au tout), celui qui le promène autour du monde, ne serait pas capable de tout connaître !

— Mais moi, dis-tu, mon esprit ne peut s’occuper de toutes ces choses en même temps. — Et qui est-ce qui te dit aussi que tu as des facultés égales à celles de Jupiter ? C’est pour cela que (bien qu’il nous ait faits intelligents) il n’en a pas moins placé près de chacun de nous un surveillant, le Génie particulier de chacun, auquel il a commis le soin de nous garder, et qui n’est sujet ni au sommeil ni à l’erreur. À quel protecteur plus puissant et plus