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Page:Les Entretiens de La grille, 1682.djvu/8

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Les Entretiens

j’allay inconſiderement ſacrifier mes ardeurs aux mortifications d’un Cloitre. Je me fus à peine enfoncé dans la ſolitude d’une Abbaïe éloignée du commerce du ſiecle, que je trouvay dans ce déſert des animaux farouches à combattre. L’amour & l’Ambition qui regnent dans ces lieux me ſoumirent à leur tyrannie, & comme j’avois le ſang plus vif & plus bouillant que l’eſprit éclairé, je devins en moins d’un an peu ambitieux, mais amoureux par excez.

Il me ſeroit impoſſible de marquer icy en particulier de quel objet j’étois paſſionné. Ce que je puis avoüer de plus conforme à la verité, eſt, que dans la privation de mes anciennes habitudes, mon cœur devint ſi ſuſceptible des impreſſions de l’amour, que tout ce qui portoit l’air, la figure ou le nom de fille ou de femme avoit la vertu de me mettre en humeur. Juſques-là, qu’un jour ayant apperçu par haſard une femme par derriere aſſez propre, un Je-ne-ſcay-quoy s’empara