Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/111

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I. A cm II I) SSSISKS. 67

Ils ne coiiiiinMineiil pas leur iiii^sioii, Ils ne la savent pas. ceux <|ui de niayislials se font liomiues, lioninies de parti, hommes de tliéàlie. Alors ils ne requièienl plus, ils plaident, ils s’emportent, ils se contouinenl. ils se tordent en cent farons.

Tanlôt le feu de la tolère leur sort pai les yeux ei Iccume par la boucbe ; Tantôt ils se drapent dans les plis de leur tartan noir pour accuser avec élégance, comme les gladiateurs romains se drapaient pour tomber sous le fer et mourir avec grâce.

Tantôt ils imitent gauchement la pose, la voix, les gestes des tyrans de mélodrame, et ils s’imaginent qu’ils font de l’effel, tandis qu’ils ne font que du tapage. Debout sur leur parquet, la face haute et enluminée, ils dominent le jury assis a leurs pieds et ils l’enveloppent de leurs contorsions et des éclats de leur voix. J’ai vu des jurés fermer l’œil et se boucher les oreilles à l’approche de ces tempêtes de rhéteurs. Pitié, pitié pour messieurs les jurés, si ce n’est pour l’accusé ! Les jurés ne sont pas venus en cour d’assises pour assister aux péripéties d’un drame fictif. Quand ils vont au théâtre, oh ! c’est différent, c’est pour v prendre le plaisir des émotions scéniques. Ils veulent qu’on leur fasse bien peur, ou qu’on les attendrisse : ils n’apportent leur mouchoir que pour le remporter trempé de larmes. Ils savent que les criminels et les traîtres tyrans de mélodrame qui débitent leurs réquisitoires en prose tourmentée sont, au demeurant, de fort bonnes gens, et que les innocents qu’on tue dans la coulisse se portent le mieux du monde el voni continuer avec leurs assassins, au café d’en bas, leur partie de ilomino inli’rronijme par le spectacle. Kt puis, quand l’acteur s’en tire mal. ils ont la ressource de le siftlei-, sans préjudice de l’auteur.

Mais lorsque la réalité remplace la fiction, lorsque ces mêmes spectateurs, devenus jurés, siègent au Palais-de-Justice, lorsque leur verdict va tuer ou absoudre, ils se recueillent en eux-mêmes. Ils chassent de leur présence, avec une sorte d’effroi, l’imagination, cette folie du logis. Ils n’écoutent que la froide raison ; ils n’examinent que le fait ; ils scrutent les pensées de l’accusé ; ils interrogent sou visage ; ils étudient avec anxiété ses réponses, ses contractions, ses exclamations, ses émotions et ses joies, sa pâleur et ses frissons : ils sont l’a en face de Dieu, en face des hommes, en face de la sainte vérité qu’ils pressent des mains, qu’ils cherchent du regard, iju’ils appellent, qu’ils implorent. Ah ! ne les détournez point de celle méditation religieuse ! Toute l’éloquence de rhéteurs ne vaut pas la conscience d’un homme de bien.

Non, ils ne comprennent pas leur métier, les gens du païquet qui se battent les flancs et qui distendent les attaches de leurs deux mâchoires, pour échafauder nn grand crime sur les épaules d’un petit délit.

Ils ne comprennent pas leur métier, ceux qui rhabillent de clinquant et de poésie les lieux communs de leur morale, et qui menacent la société si sa vengeance ne s’appesantit pas sur une bagatelle.

Ils ne comprennent pas leur métier, ceux qui apostrophent les accusés, inveciivenl les avocats et rudoient les témoins.