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LA MÈRE D’ACTRICE.

montait pas la tèle, et ne l’indisposait pas quelquefois contre l’administralion. Pour toutes ces raisons, il souhaiterait bien vivement que la Saint-Robert n’eût point son entn’e dans le théâtre ; mais il ne peut la lui interdire : Aurélie a stipulé dans son engagement (jue sa mère pourrait l’accompagner. Presque toutes les actrices à mœurs faciles exigent qu’on permette l’accès des coulisses à leur mère et à leur amant. Il nous semble que l’un des deux est de trop.

« Allons... voyons... commençons... s’écrie le directeur.

— Monsieur, lui dit la Saint-Robert, qui ne lâche pas facilement prise, recommandez donc â votre régisseur d’être un peu plus galant avec les dames... Il nous a parlé si durement , â ma fille et à moi , que la pauvre chatte en a presque eu un saisissement.

— C’est bien... c’est bien... madame...

— Quant à votre amende... on vous la payera, votre amende... On n’en est pas encore réduit à manger des coquilles de noix... »

La Saint-Robert va se placer dans la salle pour admirer sa fille, et voir la pièce tout à son aise. Mais elle ne peut pas rester seule dans son coin. A ((ui communiquerait-elle ses impressions ? :■ ! quelle oreille complaisante confierait-elle ses observations malicieuses ? Elle aperçoit de l’autre côté de l’orchestre madame de Saint-JuUien , mère de l’une des camarades de sa fille, et qui bégaye au point de ne pouvoir dire deux mots de suite. C’est son affaire ; elle aura tous les avantages de la conversation. Elle court s’asseoir auprès de madame deSaint-.lullien.

L’ouverture va commencer... l’orchestre prélude... •1 Bon, dit la Saint-Robert, j’arrive à point... éh ! éh ! éh !

— Silence ! s’écrie le régisseur.

Un énorme coup de tam-tam annonce le commencement de l’ouverture. « Tiens, dit la Saint-Robert, c’est absolument comme dans Burgou les Javanais.

— Silence ! s’écrie le régisseur.

La toile se lève. Un décor nouveau étale dans le fond du théâtre toutes ses magnificences. Les spectateurs privilégiés qui garnissent quelques parties de la salle le saluent de deux ou trois bordées d’applaudissements. Le directeur et l’auteur félicitent â haute voix le peintre, et vont lui serrer cordialement la main. «Oui... il est propre voire décor... dit la Saint-Robert, .l’ai vu mieux c|ue ça dans mon temps au Panoramn-Dirimaliquc.

— Silence ! s’écrie le régisseur.

La pièce marche.

Aurélie, qui a un très-beau rôle, prodigue, pour faire plaisir â l’auteur, les gestes, et surtout les éclats de voix. Son organe s’enroue un peu.... Tout à coup la Saint-Rcbcrt l’interrompt au milieu d’une tirade longue et passionnée pour lui crier :