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LES COLLECilO.NMilRS. 123

des scrikcs eiiturs, des cabarets, des vases en pâte tendre de Sèvres , à fonds ou à bordures gros-bleu , bleu-turquoise , verl-énieraude et rose-tendro. Après deux ans de rei-liereiie, de iioursuiles et d’iiii|ui(tii<le , il s’est fait ndjuiier h la plai e de la Bourse, en vente iniliiiiiuc, une nioilié du seriice de la table des iirinccs de liolian, et il l’a payé 50,000 francs. L’n petit cabaret gros-bleu, composé d(> riiii| pièces, portant le clillfre et l’écusson du roi Louis XV, ne lui est pas revenu à moins du 12,000 lianes ; il est vrai de dire (joe chacune des pièces de ce cabaret précieux est ornée de médaillons où sont peintes quelques-unes des maîtresses du Sardanapale français. Deux vases à fleurs ayant ap|jarleiui a madame Du lîarry ont été l’objet de ses soins les plus persévéïanls, de ses inquiétudes les plus niorlelles cl les |ilus jioignanles. Ces deux vases, rose tendre, à cartouclies entourées de volutes et de rinceaux, artistement dorés en or de deux couleurs, parsemés d’Amours vainqueurs peints d’après le célèbre Boucher, appartenaient a un vieux marcpiis tonlnnsaiu . auquel ils étaient arrivés par je ne sais |ilus quelle voie ; peut-èlie étaient-ils uii agréable souvenir, je l’ignore ; mais enlin le niar(piis toulousain ne voulait pas s’en défaire , et M. de Menussard voulait les posséder ; il en offrit un prix cxorbilanl. et il fut refusé ; il voulut les faire voler, et il échoua dans satentalivc. Pendant deux ans, il y eut entre le marquis et .M. de Menussard une guerre sourde, mais active , offensive d’un côté, défensive de l’aulre. Enfin il y a six mois le maïquis vint h nionrii-, et M. de Menussard est devenu propriélaiie des vases rose lenilic , cpie personne depuis ce temps-la n’a aperçus.

M. (le Menussard est riclie. iustniii. bien éU’(. cl 11 il seul, enfermé avec ses porcelaines ; il n’a pas de voiluifs. pas de doniestiiiiics : une ieille seianlc fait sou ménage. Sa toilette, sa nourriture, son logement lui coulent peu de chose, .lamais il ne va au spectacle : il n’a aucun ami ; un ne lui a jamais connu de maîtresse ; il n’a jamais voyagé , si ce n’est jusqu’à Sèvres, encore n’y a-t-il été qu’une fois, et en est-il revenu à pied , fatigué, crotté, mouilU’ par la pluie jus(|u’au os. furieux contre la manufacture de Sèvres, contre le siècle tout entier, et s’écriant avec indignation : » Il n’y a plus ni croyances ni quoique ce soit ici-bas. tout est détruit... Décadence... Il décadence complète... Dire qu’une des gloires de la France... ils l’ont laissé périt (Ire... Les barbares ! les Goths ! les triples isigolhs ! ne plus fabriquer de pnle Il tendre/ de la pâte dure , rien que de la ])àle duie !... Mais c’est que c’(ist "a faire Il dresser les cheveux sur la tête ! » Depuis ce jour, il ne faut plus lui ]]arler f/n Sèvres moderne, il hausse les épaules ; et un sourire ameivient errer sur ses lèvres ; la pâte tendre est tout pour lui. (Juand il ne peut sortir de son appartement . (pie les marchands de curiosités ont leurs boutiques fermées, et que nulle vente n’a lieu dans toute l’étendue de Paris, alors ipie M. de Menussard s’enferme dans la pièce la plus reculée de son appailement ; une a une . il lire de leurs coffres, de leurs étuis, lnutes ses belles porcelaines, ses assiettes, ses plats, ses tasses bleues . roses, vertes, a bon- (|uets. a médaillons, à fonds blancs ou de cduleur : il les contemple avecaihiralion, avec amour : armé d’une flanelle doine cl line. il les essuie . les polit, les caresse ; l)uis. quand leur toilette est ainsi faite, il leur adii-sse la parole, il eaose avec elles, il les interroge.