Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/244

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la prélentiuii el du calcul ; c’est celle des chanteurs île loinances. Le métier de cliaiileur de romances a remplacé, comme moyen d’existence parasite, les anciens poêles de famille, les diseurs de bous mois, les conteurs de société, etc. Aujourd’hui le chauleurde rom.iuces est le lion ohliité «le toules les réunions bourgeoises. Il a sou couvert mis à une foule de tables ; il jouit du privilège des grandes et petites entrées dans les salons et même dans les boudoirs. Ou le traite comme un être neutre et sans conséquence. L’état de chanteur de ron)ances n’exige d’autre mise de fonds qu’un haliit noir a peu près neuf et une voix làpée.

Le chanteur de romances est ordinaireiueut un petit homme, trapu, courtaud, aux épaules largement cambrées, aux joues rubicondes, ornées de favoris noirs et buissonneux, a l’abdomen proéiuiueut comme celui d’un capoial de voltigeurs de la garde nationale. La nature l’avait créé pour être l’Atlas d’un commerce d’épicerie en gros, ou d’une maison de roulage, et c’est pitié que de voir employer un si puissant appareil île forces musculaires à soutenir de simples notes de musique. Ricu de plaisant comme les efforts de l’obèse ménestrel aBn d’imprimer a sa face réjouie une expression mignarde, langoureuse ou mélancolique, enharmonie avec les chants de son répertoire. Impossible de réprimer un sourire lors(|u’ou l’entend se plaindre de son malheur, de sa langtieur, de son ucheminemenl vers lu tombe, de sa frêle e.visteme. etc. Heicule (ilani des sous n’est guère moins bouffon qu’Hercule lilant une (luenouille.

Le chanteur de romances a l’avantage d’exercer une industrie qui ne connai pas de morte-saison. Il travaille en tout temps. Il délaclie la liarcaiole au plus juste prix, fournit la tyrolienne avec ou sans gesles, pleure le nocturne, gazouille l’ariette, et expédie non-seulement poui’ la ville el la |irovince, mais encore pour l’étranger. Au printemps, lorsqn’arrive la saison des eaux, il exporle son bagage Iroubudoui’ à Spa, à Aix, h lîadeu-Badeu, a Vichy, a Dieppe, au .Monl-d’Or, a Néris, à Plombières.

Ou voit revenir le chanteur de romances vers les premiers jours d’anlonme. Il reparaît dans tous les concerts que le veut du nord refoule sur Paris.. Cependant, a force de se couronner de roses, le troubadour arrive h l’hiver de la vie. Il perd presque eu même temps son sol et ses cheveux. Alors il songe a revoir sa NortnanUie, ou tout autre pays qui lui adonné le jour. L’a, il conveitit le produit de sou travail en bous biens au soleil ; il devient notable de village, conseiller municipal et marguillier de paroisse. Chaque dimanche il s’installe sur les bancs du lutrin, et consacre à chanter les louanges du Seigneur et du patron de l’endroit les restes d’une voix jadis vouée à célébrer lesZelmire, les Elvire, les Jeux, les Ris et les Amours.

Ainsi passent les gloires et les romances de ce monde. En cherchant à conclure d’une manière grave, nous sommes arrivé à découvrir que le chant peut être employé comme moyeu accessoire d’atteindre ce but qu’on prétend le plus important de la vie, la connaissance de soi-même et des autres. A la suite d’une fonle de déductions et de laisonnements. nous croyons pouvoir poser ce nouvel axiome : que chez la gent humaine, comme chez la gent volatile, le rmmuje