Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/296

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216 LA MAITllIiSSL D !• IMiLb ; l» IlOlli.

l’jii Ml (les ur^’miisations d’artistes Iressaillir au son de celle vois criarde et fiissoiiiiei- au conlacl de celle maiu osseuse.

Ce inonsieuique vous examinez avec unecuriosité inquiète, coninie une personne doiil on a vu la figure dans un lieu quelconque, est un de ces induslriels nomades (jui vont transportant, selon les exigences de la police, de Ijoutique en l)OUlique, leurs marchandises an rabais, et leuis foulards à 23 sous. Celle grosse dame, ii la ligure épanouie, "a la laige poitrine, qui l)oil son vin pur, met du poivre dans ses épinards et ses coudes sur la table, c’est la compagne du négociant de contrehande. C’est elle qui se tient en permanence "a l’enlrée du magasin, comme une séduction vivante. Elle représente tour "a tour l’étrangère attirée par la curiosité, ou la bourgeoise séduite par le bon marché et l’éclat des couleurs. Elle est chargée de se récrier incessamment sur l’excellente qualité des étoffes et de feindre d’acheter, alin de pousser à la vente. C’est une variété de la famille des nioiulws. Le grotesque personnage (pie vous sendjlez écouter avec un certain intérêt est un tijpe particulier aux tables d hôte, et qui mérite <rêtre signalé. La raunomanie funeste dont il est atleint n’a pas encore de nom dans la science. Chai|ue joui cet liounnc dévore, avant son dîner, tout ce(iui s’imprime de feuilles publiques, quotidiennes, hebdomadaires, artistiques, politiques, scienliliques et littéraires, à Paris et en province, sans en passer une seule ligne, depuis le premier Pacjs, jusi|u’à la poni madf mélaïnocome inclusivement. Ce gargantua de la presse périodique éprouv* naturellement le besoin de soulager sa mémoire de cette indigeste et prodigieuse consommation. — .visaux voisins malencontreux. — Il vous prend à partie siir un mot et vous fait avaler, en manière de miioton, toutes les banalités et bribes de journaux déguisées et préparées Usa façon. Il est, d’ailleurs, emphatique et déclamateur, comme un régent de collège communal. Sa phrase filandreuse et lourde tombe, mot a mot, dans votre oreille, comme le plomb fondu, goutte a goutte, sur l’occi])» ! d’un condamné. — Signalement : cinquante ans ; grand, sec, teint bilieux ; habit râpé, boutonnéjusqu’à la cravate, pantalon sans sous-pieds, perruque rousse. O gros homme qui liône’a l’une des extrémités de la table, rappelle, d’une manière assez heureuse, l’enseiiiiie du Goiniiiand. C’est le même type <le sensualité, la même ligure large, bouffie, luisante et colorée, avec le triple menton, les petits yeux enfoncés et brillants, le front déprimé, l’art inquiet. C’est la gloutonnerie aux prises avec l’avarice, le gourmand qui dîne h 25 sous.

Je n’en Unirais pas avec le portrait, si je voulais seulement esquisser les plus saillantes de toutes les originalités dont la table d’hôte a 25 sous nous offre une si riche collection. A madame Simon seule appartient la faculté de les saisir d’abord et de les bien comprendre, en les faisant concourir merveilleusement h I harmonie générale et à la prospérité de l’établissement. Rapprocher les distances, vaincre les antipathies physiques et morales, veiller, il la fois, sur l’ensemble et sur les détails, dominer el faire mouvoir, pour ainsi dire, comme un seul homme, tonte celte foule de préleutions rivales elde mâchoires en concurrence, — voila le grand ail de la maîtresse de la table d’hôte, le triomphe et la «loire de madame Simon. Auguste de IiACroix.