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256 LA FEMME SANS NOM.

iiu-iit d’un |)aiivie prisoiinifr. Elli’ lui atliclcr ;) une buulfillf de viu uu p.’itO, une livre de tabae, toul ic qui ))eul flaller ses (jortls , enlin ; et , en lenlrant ehe/. elle, sa faim se eonlenteia d’un morceau de pain. C’est ainsi que la charité se fait souvent la complice du crime.

Croehaid a été acquitté. Ce succès l’encouiage ;t méditer de plus grandes entreprises : Clochard ne tardera pas sans doute ù devenir assassin ; il parle de ses projets tout haut, il cherche des coni])liccs ; une mort fatale l’attend. Mariette va-t-ellc enfin comprendre toute l’atrocité de son amour ? Hélas ! cet effort est au-dessus de .ses forces. Elle a commencé par aimer Crochard parce qu’elle avait besoin de s’altachcr ; "i cpielqu’un ; elle a continué fi l’afmer parce ipi’il était malheureux ; elle lui .sera Hdèle parce qu’il est proscrit ! Comment voulez-vous ((u’une femme résiste au triple attrait de l’amour, de la charité et du romanesque ? Il lui semble qu’elle est l’héroïne du dernier roman qu’elle a lu autrefois. Son amant ne peut la voir que dans les ténèbres ; les agents de police lui font l’effet de sicaires apostés par uu tuteur barbare ; les juges ne sont pour elle que les représentants de la force ; elle envisage la guillotine comme le poignard d’un mari outragé qui frapperait dans l’ombre. Elle est heureuse et fière d’être l’uniiiue refuge, la Providence d’un homme. Un jour viendra où cet échafaudage fantastique s’écroulera ! On surprendra l’assassin chez sa maîtresse : alors Mariette oubliera tout pour le sauver ; elle offrira aux gendarmes son argent, ses bijoux, et, poussée à bout, elle ira jusqu’à se croire vertueuse : elle perdra de vue son passé et son présent, offrira sa personne, comme si sa personne avait une valeur, et comme si de tout temps il n’avait pas fallu des caresses de vierge pour attendrir les bourreaux !

Ce jour-l ; ne vint, hélas ! que trop tôt pour Mariette ; Crochard fut condamné ;i mort. Arrêtée comme sa complice, ses juges rac(iuittcrent. Sur la pente où elle était placée , il lui était bien difficile de s’arrêter. Le procès de son amant avait été assez célèbre pour lui permettre de trouver un asile opulent au comptoir de quelque limonadier désireux d’atbalander sa bouti(iue. Renvoyée au bout de deux mois, que serait-elle devenue ? peut-être res])ionne des galériens, la pourvoyeuse du crime, l’entremetteuse ]de I assassinat !

Dieu la sauva de cette fin misérable par la mort. Épuisée par cinq années de débauches, Mariette expira sur le grabat d’une jirison . entre un médecin et une soeur de charité. Un l’enterra dans la fosse connnune, car personne ne devait venir prier sur le tombeau de la femme sans nom !

Ta.ile Deloiid.