Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/35

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I, Kricii.i ;. 7

sibles. Les cliansoiis de Béranger sont son Evangile. Oui, ces détestables refrains frelatés de polilic|ii(’ ont fail un mal dont répicrric si’ rcsscnlira lim^lemps. Il se passera |ieut-êlre nnc centaine d’années avant ipinn épicier de Paris, cens de la provirue sont nn peu moins atteints de la chanson, entre dans le Paradis. Peut-être son envie d’être Français l’entraîne-l-elle trop loin. Dieu le jugera. Si le voyage était court, si l’épicier ne [larlait pas, cas rare, vous le reconnaîtriez à sa manière de se moucher. Il met un coin de sou mouchoir entre ses lèvres, le relève au centre par im mouvement de balançoire, s’empoigne magistralement le nez, et sonne uni ; fanfare à rendre jaloux un cornet à piston. Quelques-uns de ces gens ipii ont la manie de tout creuser signalent un grand Iticonvénient à l’épicier : il se retire, disent-ils. Une fois retiré, personne ne Ini voit aucune utilité. Que fait-il ? que devient-il ? il est sans intérêt, sans physionomie. Les défen.seurs de cette classe de citoyens estimables ont répondu que généralement le fils de l’épicier devient notaire ou avoué, jamais ni peintre ni journaliste, ce qui l’autorise à dire avec orgueil : J’ai payé ma dette an pays. Quand un épicier n’a pas de fils, il a nn successeur auquel il s’intéresse ; il l’encourage, il vient voir le montant des ventes journalières, et les compare avec celles de son temps ; il lui prête de l’argent : il tient encore à l’épicerie par le lit de l’escompte. Qui ne connaît la touchante anecdote sin- la nostalgie du comptoir à laipielle il est sujet ? Un épicier de la vieille roche, lequel, trente ans durant, avait respiré les mille odeurs de son plancher, descendu le fleuve de la vie en compagnie de myriades de harengs, et voyagé côte à cote avec une infinité de mornes, balayé la boue périodique de cent pratiques matinales, et manié de bons gros sous bien gras ; il vend son fonds, cet homme riche au delà de ses désirs, ayant enterré son épouse dans im bon petit terrain à perpétuité, tout bien en règle, quittance de la Ville au carton des papiers de famille : il se promène les premiers jours dans Paris en bourgeois ; il regarde jouer aux dominos, il va même an spectacle. Jlais il avait, dit-il, des inquiétudes. Il s’arrêtait devant les boutiques d’épiceries, il les flairait, il écoutait le bruit du pilon dans le mortier. Malgré lui cette pensée : Tu as été pourtant tout cela ! lui résonnait dans l’oreille, à l’aspect d’iui épicier amené sur le pas de sa porte par l’état dn ciel. Soumis au magnétisme des é|)ices, il venait visiter son successeur. L’épicerie allait. Notre homme revenait le cœur gros. Il était loiii chose, dit-il à Broussais en le consultant sur sa maladie. Bronssais ordonna les voyages, sans indiquer positivement la Suisse ou l’Italie. .Après ipielques excursions lointaines tentées sans succès à Saint-Germain, Montmorency, Vincennes, le pauvre épicier dépérissant toujours, n’y tint plus : il rentra dans sa boutique comme le pigeon de la Fontaine à son nid, en disant son grand proverbe : Je siih comme le lierre, je meurs où je m’attache.’ Il obtint de son successeur la grâce de faire des cornets dans un coin, la faveur de le remplacer au comptoir. Son œil, déjà devenu semblable à celui d’un poisson cnit, s’alluma des lueurs du plaisir. Le soir, au café du coin, il blâme la tendance de l’i-picerie au charlatanisme de r.

imnce, et demande à quoi sert d’ex-

poser les brillantes machines qui broient le cacao.

Plusieurs épiciers, des tètes fortes, deviennent maires de (jnelque coiunuuie, et