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28 LA FEMME COMME IL FAUT.

d’avoir de l’esprit, mais il est impossible de TOlre sans beaucoup de goût. Volts ne la verrez pas à la sortie, elle disparaît avant la tin du spertacle. Si par liasard elle se montre calme et noble sur les inarclies rouges de l’escalier, elle éprouve alors des sentiments violents. Elle est là par ordre, ell6 a quelque regard furlif à donner, quelque promesse à rerevoir. Peut-être descend-elle ainsi lentement poui’ satisfaire la vanité d’un esclave auquel elle obéit parfois. Si votre rencontre a lieu dans un bal ou dans une soirée, vous recueillerez le miel affecté ou naturel de sa voix rusée ; vous serez ravi de sa |)arole vide, mais à laquelle elle saura comnnini<juer la valeur de la pensée par un manège inimitable. L’esprit de celte femme est le Iriompbe d’un art tout plastique. Vous ne saurez pas ce qu’elle a dit , mais vous serez charmé. Elle a hoché la télé, elle a gentiment haussé ses blanches é|>aules, elle a doré une phrase insignifiante par le sourire d’une petite moue charmante, elle a mis l’épigramme de Voltaire dans un hein ! dans un ah ! dans un et donc ! Un air de tête a été la plus active interrogation ; elle a donné de la siguificalion au mouvement par lequel elle a fait danser une cassolette attachée à son doigl par un anneau. C’est des grandeurs artificielles obtenues jiar des petitesses superlatives : elle a fait retomber noblement sa main en la suspendant au bras du fauteuil comme des gouttes de rosée à la marge d’une fleur, et tout a été dit ; elle a rendu un jugement sans appel , à émouvoir le plus insensii)le. Elle a su vous écouter, elle vous a procuré l’occasion d’être spirifuel, et, j’en appelle à votre modestie, ces moments-là sont rares. Vous n’avez été choqué par aucune idée malsaine. Vous ne causez pas une demi-heure avec une bourgeoise sans (pi’elle fasse apparaître son mari sous une forme (pielconque : mais si vous savez (|ue cette fenuue est mariée , elle a eu la délicatesse de si bien dissimuler son mari qu’il vous faut un travail de Christoplie Colomb pour le découvrir. Souvent vous n’y réussissez pas tout seul. Si vous n’avez pu questionner personne, à la fin de la soirée vous la suri)renez à regarder fixement un homme entre deux âges et décoré, qui baisse la tête et sort. Elle a demandé sa voilure, et part. Vous n’êtes pas la rose , mais vous avez été près d’elle, et vous vous couchez sous les lambris dorés d’un délicieux rêve qui se continuera peut-être lorsque le Sommeil aura, de son doigt pesant, ouvert les poi’tes d’ivoire du lemple des fantaisies. Chez elle, aucune femme comme il faut n’est visible avant ((ualre heures, quand elle reçoit. Elle est assez savante pour vous faire toujours allendre. Vous trouverez tout de bon goiit dans sa maison ; son luxe est de tous les moments et se rafraîchit à propos ; vous ne verrez rien sous des cages de verre, ni les chiffons d’aucune enveloppe appendue comme un garde-manger. Vous aurez chaud dans l’escalier. Partout des fleurs égayeront vos regards, les fleurs, seul présent qu’elle accepte, et de <|uelipies personnes seulement : les bouquets ne vivent qu’un jour, donnent du plaisir, et veulent être renouvelés ; pour clic ils sont, con)me en Orient, un symbole, une promesse. Les conteuses bagatelles à la mode sont étalées , mais sans viser an musée ni à la boutiqne de curiosités. Vous la surprendrez au coin de son feu, sur sa causeuse, d’où elle vous saluera sans se lever. Sa conversation ne sera plus celle du bal. Ailleurs elle était voire créancière, chez elle sou esprit vdos (loi ! du plaisii-. Ces nnances, les femmes comme il faut les possèdent à