Page:Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur, 1874.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LES JÉSUITES


ne crois pas que ce soit un jésuite qui ait aujourd’hui baisé madame. — Comment, par la mort, coquin, que dis-tu là ? reprit le marquis en lui voulant donner un soufflet ; est-ce que cette impudique en voit plus d’un ? Ah ! la bonne bête, ah ! la scélérate ! En achevant ces mots il courut vite à la chambre de sa femme, et donna un si grand coup à la porte qu’il l’enfonça. Le père gardien qui étoit encore au lit nu en chemise, voyant entrer le marquis les yeux tout brûlants de colère, l’épée à la main, se trouva fort surpris, et n’ayant pas eu le tems de prendre ses habits, il sauta par une fenêtre qui donnoit sur la rue, tomba sur la tête d’un crieur d’oublis qu’il blessa, et se sauva tout nu dans un couvent de religieux de ses amis qui n’étoient pas moins sujets aux foiblesses humaines que lui.

Le mari au désespoir d’avoir perdu sa prise, se jeta aussitôt sur le justaucorps bleu galonné et sur les culottes de broderie que le pauvre jésuite fugitif avoit laissés dans le fauteuil à côté du lit, et les ayant examinés, il ne put reconnoître à qui ils appartenoient ; après quoi il chargea sa femme d’injures et de coups fort sensibles, et sans le valet qui l’accompagnoit qui lui arrêta le bras, il l’auroit tuée sur place pour satisfaire à sa vengeance. Mais étant revenu de sa fureur, il la fit monter en carrosse sur l’heure, malgré toutes les caresses qu’elle lui put faire,